• Malines01



    La dentelle de Malines est une dentelle belge originaire, sinon de la ville même dont elle porte le nom, au moins de sa région.
    Elle fait partie d'une prestigieuse souche commune dont les membres vont petit à petit prendre leur indépendance et mettre en avant leur particularité devenant respectivement la Valenciennes, la Binche, la dentelle de Flandre ... et la Malines.



    Pourquoi la "petite" Malines ?

    Parce que je ne vais pas vous parler ici des somptueuses Malines du XVIIIème siècle, qui se distinguaient entre autre par leur inégalable finesse et par l'extraordinaire richesse de leurs innombrables fonds fantaisie.

    Non, je vais vous parler de la Malines XIXème, une dentelle toujours extrêmement fine, mais aux motifs beaucoup plus simples, et qui n'a gardé pratiquement plus qu'un seul réseau, très caractéristique de cette dentelle : le  "fond de glace".


    Pourquoi commencer par elle ?

    Parce qu'elle est très facile à reconnaître et parce que c'est celle que vous pouvez encore facilement trouver dans les brocantes ou dans  vos greniers, donc celle que vous aurez l'occasion d'avoir entre les mains. Alors je me suis dit qu''il serait bon que vous puissiez la reconnaître.
    L'autre, la "grande", on ne la trouve pratiquement plus que dans les musées et les livres hélas.


    Il s'agit d'une dentelle aux fuseaux, à fils continus sur réseau à maille hexagonale dit "fond de glace".

    Tout d'abord, la Malines (comme la Valenciennes) est toujours restée une dentelle d'une très grande finesse.
    Elle n'a jamais été déclinée en fils plus gros comme la dentelle de Flandre ou certaines dentelles à fond clair par exemple
    Vous aurez donc toujours entre les mains une dentelle très fine et vaporeuse.


    Malines04
    A l'oeil nu, on a l'impression de voir une dentelle à fond tulle, type dentelle de Lille.

    Mais un oeil exercé, ou encore mieux l'utilisation d'un compte fil, permet de mettre en évidence la  "signature" de la Malines : son réseau.

    Vous ne pourrez pas confondre ce réseau avec d'autres  :

     il s'agit d'une maille hexagonale avec,
    en haut et en bas, 2 petits pans obliques constitués de 2 fils tordus

    et sur les côtés, parallèles à la lisière, 2 tresses de 4 fils.

    Il s'agit du "fond de glace" (Isjgrond)



    Malines03



    Les motifs de la Malines sont traditionnellement en toilé (mat).

    Sur la photo de droite, le toilé est signalé par des flèches violettes.

    Cependant, au XIX ème siècle, on utilisera de plus en plus la grille (flèches vertes)

    et enfin, un élément inséparable de la Malines : le cordon :
    un fil beaucoup plus gros qui cerne tous les motifs (flèche jaune)







    Malines02
    Contrairement à la Valenciennes ou à la dentelle de Flandre dont les motifs sont cernés d'une ceinture continue qui fait la transition entre le motif et le réseau, il n'y a pas de ceinture à proprement parlé (c'est à dire une paire travaillée en passées tordues CTCT) dans la Malines
     
    même si, par endroits (tirets rouges) le réseau donne l'impression de dessiner une ceinture autour du motif.
     Mais à  d'autres endroits (flèches jaunes), on voit bien l'absence totale de ceinture.


    Quand on travaille le motif, les épingles sont posées à l'extérieur, de l'autre côté du cordon.

    Le compte fil permet de bien voir ces "bouclettes" formées par les voyageurs autour de l'épingle (points verts sur la photo).



    Sur cette photo qu'on vient d'examiner, on voit bien le réseau avec ses petites tresses :
    ces petites barres plus épaisses, à l'horizontale.

    A l'horizontale ?
    Sur le schéma présenté plus haut , les petites tresses sont à la verticale ?

    Oui, car le schéma est fait dans le sens dans lequel on travaille la dentelle.
    Par contre, on regarde généralement les dentelles "en longueur" ,  c'est à dire  la lisière en haut, à l'horizontale
    .... alors les petites tresses parallèles à la lisière apparaissent donc à l'horizontale.


    Malines05


    Les motifs de la dentelle de Malines XIXème sont quasi exclusivement des motifs floraux,
    des petites guirlandes de fleurs juste en bordure pour les plus simples,
    ou des motifs plus élaborés occupant la quasi totalité de la hauteur.


    Le fond de Malines est assez difficile à travailler de façon régulière : en effet,  il n'y a pas de poses d'épingles au niveau du réseau , ce qui aiderait  à lui garder sa régularité .
    La dentellière doit travailler toute sa "ligne" de réseau d'une seule traite,  jusqu'à la lisière ou au motif suivant qui lui permettront de poser des épingles et de fixer sa ligne de réseau.

    C'est pourquoi on trouve souvent dans la Malines des petits motifs semés dans le réseau : ces petits motifs permettent de faire des lignes de réseaux moins longues, de poser des épingles plus souvent et donc aident à la régularité du fond.

    Ce sont bien des petits motifs, des pois ou des fleurettes.
    Il n'y a pas de points d'esprit carrés dans le réseau comme dans la dentelle de Lille par exemple,
    (même si on trouve souvent des petits points d'esprits carrés décoratifs dans les ajours, comme dans les deux petites bandes ajourées de la large dentelle ci dessus.
    Vous pouvez voir des exemples de semés sur la première dentelle de l'article, ou sur la photo ci dessous.


    Malines06


    Devant cette petit Malines étroite destinée à border de la lingerie ou des coiffes, on a envie de dire que la Malines ressemble à la dentelle de Lille :  fond tulle très semblable, et mêmes fleurettes alignées.

    mais il serait plus juste de dire l'inverse.

    En effet, c'est la dentelle de Lille la "copieuse" : elle a été créée pour imiter la Malines, la technique de la Lille permettant de donner un résultat très approchant, mais beaucoup plus facile et rapide à faire.

    Dans les ajours des Malines XIXème, on trouve souvent quelques points fantaisie,  quelques souvenirs de la grande époque de la dentelle de Malines, époque où elle collectionnait les fonds tous plus beaux les uns que les autres, et où le fond de glace était minoritaire, voir inexistant. (il n'est apparu que vers la moitié du XVIIIème siècle).

    Dans la dentelle ci dessous, plus ancienne que les précédentes, on voit plusieurs points fantaisie différents.
    Dans le motif du bas par exemple, un riche réseau avec de grosses fleurs.
    Mais nous sommes encore bien loin des prestigieuses dentelles de Malines du XVIIIème tellement plus extraordinaires.


    Malines07




    Pour  voir la différence entre le réseau de la dentelle de Malines et celui de la dentelle de Lille par exemple, cliquez ICI.




  • chebka50 p250


    Je me permet de vous "infliger" une petite suite à mon article sur la Chebka pour vous parler d'une dame dont je ne connais rien d'autre que ses modèles de dentelle

    ... mais quels modèles !



    Je vous ai déjà raconté que sous le protectorat français, la dentelle Chebka trouvait ses débouchés en France bien sûr mais il fallait pour cela qu'elle se plie au goût européen .... qu'elle renie un peu ses origines.

    Pour que le dentelle Chebka plaise, on lui donnait un faux air de Venise ou de Cluny, comme le petit bavoir rose que je vous ai montré dans l'article précédent, ou comme ce napperon ovale que l'on peut vraiment prendre pour du Cluny.

    chebkacluny p300




    Oh oui, c'est joli ...  très joli ... mais tellement passe partout, ça ressemble tellement à toutes ces dentelles commerciales qui se sont faites par milliers au XIXème et début XXème siècle, 
    ces dentelles qu'on voit ... et qu'on oublie.





    Et puis j'ai découvert les modèles créés par Madame Seyrig.

    Avec beaucoup de sensibilité,  avec un dessin assez moderne et innovant pour l'époque, cette dame a su garder à la Chebka toute ses spécificités techniques, ses motifs et points traditionnels,

    mais surtout elle lui a laissé son âme,
    sa culture,
    ses racines,
    ses paysages
    .



    Il y  d'abord
    ce magnifique rideau des mille et une nuits
    que j'ai mis en tête de ce billet.



    et puis il y a ....

    chebka52 p500


    Mosquée Kairouan p300




    Il y a par exemple ce grand chemin de table, dans lequel je vois la cour et les dômes d'une mosquée, 
    la mosquée de Kairouan bien sûr.













    chebka51 p350



    chebka 031 p200
















      Il y a ce napperon aux rudes motifs anguleux, dans lequel je retrouve les motifs rouges des poteries  modelées et peintes par les femmes de Sejnane








    chebka ksar p500 Ribat Sousse p250






    Il y a  cette grande nappe, où je vois des Ghorfas, ces greniers à étages qui servaient à garder le grain, les olives ...


    ou bien j'y vois encore les rempart des vieilles citées, comme ceux du ribat de Sousse













    il y a ... oh il y en a encore bien d'autres ....
    mais si je mets trop d'images, mes lectrices se plaignent que l'article met trop de temps à s'afficher, alors ... 






    Merci Madame Seyrig. vous avez su résister aux motifs stéréotypés, vous avez su, tout en lui gardant son âme arabe, créer pour cette dentelle des dessins nouveaux (comme d'autres l'ont fait pour d'autres dentelles en France ou en Allemagne à la même époque à peu près).

    Je ne sais pas si vous avez pensé réellement à tout ça en faisant vos dessins, mais je suis certaine que vous deviez beaucoup aimer la dentelle ...  et beaucoup aimer la Tunisie 



    Pardonnez moi la très mauvaise qualité des photos, mais je n'avais que ça : ce sont en fait des photocopies d'un livre de 1931 "Dentelles et Broderies Tunisiennes" par A Deplanche ..... livre que j'aimerais bien un jour trouver "en vrai" , livre qui m'a permis, entre autre de découvrir cette créatrice.




  • courbe01 p500


    Voici, comme promis, deux (...  deux et demi même...) nouvelles façons de prendre les virages en douceur.

    Comme je l'avais dit lors du premier épisode, il ne s'agit pas d'épingle pivot, mais bien d'épingles utilisées 2 fois.
    2 fois ... et pas plus.

    Dans les deux cas détaillés lors du premier article sur le sujet, les voyageurs travaillaient la paire lisière.
    Aujourd'hui, nous allons voir des méthodes où les voyageurs restent dans le mat, il ne vont pas jusqu'à la lisière (l'épingle ne sera donc pas véritablement utilisée 2 fois).



    Troisième méthode
    La technique du " Point de Retour "

    c202 p250


    L'épingle (normalement) utilisée deux fois est en vert sur le schéma.

    Le premier passage sur cette épingle se fait tout à fait normalement.

    Au deuxième passage, pour pouvoir faire demi tour, les voyageurs vont travailler la dernière paire passive de façon un peu spéciale .

    Donc,  à l'endroit signalé par la flèche,
    au lieu de faire une passée (C T C) entre les voyageurs et la dernière paire passive comme ça se fait normalement dans un mat,

    vous allez faire un
    Point de retour
    C T T C






    Vous pouvez aussi faire ce que j'appelle un demi point de retour :  
      C T C T C


    Puis, vous posez une épingle à 4, c'est à dire à l'intérieur du mat, en bordure de ce dernier, entre les deux paires qui viennent de faire le point de retour et le reste du mat.



    Tout l'art est de poser cette épingle au bon endroit
    pour que la bordure du mat reste bien régulière et droite
    Posée trop à l'extérieur, votre mat aura une bosse,
    Et bien sûr posée trop à l'intérieur votre mat aura un petit creux disgracieux.

    (Parfois le dessinateur a prévu que vous utilisiez cette technique du point de retour et il aura dessiné la pose d'épingle, mais la plupart du temps, cette épingle n'est pas dessinée et c'est à vous de trouver sa meilleure place).


    courbe methode 4 p300

    Sur cette photo, le premier point de retour (à gauche en rouge) est parfait;  pour le deuxième, l'épingle a été posée trop à l'extérieur, on a une petite bosse. Et pour le troisième, l'épingle est bien positionnée en hauteur, on n'a ni bosse ni creux, mais elle est mal centrée ... ben oui, les gros plans ... ça pardonne pas







    Cette épingle si difficile à placer est en plus une  épingle provisoire , c'est à dire qu'elle sera retirée après quelques rangs.
    Vous voyez sur le dessin technique que les épingles provisoires sont matérialisées par un petit rond, au lieu du point noir habituel.

     Une fois l'épingle retirée, vous tirerez légèrement sur la paire passive du bord pour boucher le petit trou formé par l'épingle et surtout pour bien lisser et aligner le bord de votre mat, bref, pour que votre point de retour soit totalement invisible !

    C'est la deuxième difficulté du point de retour : quand enlever l'épingle provisoire ?

    Tout d'abord, il faut PENSER à l'enlever.
     Ben oui, c'est tout bête, mais pris dans son élan .... on a tendance à l'oublier !
    Alors pour y penser je met toujours une épingle à tête de couleur pour qu'elle attire mon regard.


    Mais si vous l'enlevez trop tôt, vous risquez la catastrophe !



    c205 p100 Regardez à gauche ce qu'est en détail un point de retour dessiné fil à fil.

    Les deux fils de la paire passive sont en gris, les voyageurs en violet.
    On voit qu'on ne change pas de voyageurs.

    Donc si vous enlevez l'épingle provisoire trop vite et que vous tirez un peu trop sur les voyageurs .... ça va resserrer le travail et vous aurez un petit creux en V dans votre mat.




    Mais attention, si vous l'enlevez trop tard, votre dentelle sera trop "figée", trop maintenue, vous aurez beau essayer de tirer sur les passives dans tous les sens, vous n'arriverez pas à boucher le petit trou, et surtout à égaliser la bordure de votre mat.



    Bon .... alors, quand enlever cette fichue épingle provisoire ?

    ben ....  ça dépend .....
    Et oui, la dentelle n'est pas une science exacte, c'est un art qui fait appel à l'intellignece, au bon sens et à l'expérience de la dentellière.... (comme j'ai l'habitude de dire :  c'est pour ça que c'est un métier de femme )

    Il faut avoir fait quelques rangs pour que les voyageurs aient eu plusieurs fois l'occasion d'être fixés, "amarrés" (par des passées tordues en lisière par exemple), et qu'on ne risque pas de trop tirer dessus.

    mais pas trop de rangs quand même pour que vous puissiez agir sur les paires passives.

    c204 p100

    Petite note :
    Si vous avez un cordon au bord de votre mat, ça ne vous empêche pas de faire un point de retour : le cordon est travaillé en même temps que le fil passif qui est à côté.

    rien de plus simple







    c201 p100

    Le  schéma fil à fil de ce que j'appelle demi point de retour vous permet de voir la différence avec le précédent .

    il y a a échange d'1 fil :
    1 fil des voyageurs devient fil passif,
    et 1 fil de la paire passive devient voyageur.

    Avantage ?  c'est un peu plus élastique. Si on a enlevé l'épingle trop tôt et qu'on a resserré le mat, on peut le reétaler plus ou moins en tirant sur la paire passive .... mais bon ... c'est pas miraculeux quand même.
    Et puis, à cause de cette même élasticité, vous vous retrouvez parfois avec un petit trou inattendu à l'endroit du point de retour.



    Heuuuu  oui ....   et  alors .... on utilise lesquel de préférence  ? 
    Je fais toujours la même réponse : vous essayez ....
    et vous utilisez celui que vous réussissez le mieux !



    Voui   .... ça fait un peu peur quand même ce point de retour, hein ?

    il n'est pas aussi difficile qu'un point d'esprit, mais .....

    mais franchement, il FAUT l'essayer et s'exercer pour le réussir parfaitement

    - d'abord parce que, s'il est réussi, il est invisible et parfait

    - ensuite, parce qu'il vous servira très souvent, même dans d'autres circonstances.
     Par  exemple,  il peut vous servir pour changer le sens d'un mat.
    Dans un de mes articles sur le sens du mat, je dis qu'on peut changer de sens en utilisant une épingle deux fois .... et bien en fait, on n'utilise pas vraiment l'épingle deux fois ....  on fait un point de retour !

    Bref, comme le croisement en étoile, c'est une des armes secrètes que possèdent les dentellières pour se sortir d'un mauvais pas.








    Quatrième méthode
    La technique des ajours


    c203 p250


    Je vous propose une dernière façon de faire : elle est un peu particulière car elle provoque un petit ajour à l'endroit de l'épingle utilisée deux fois.
    Ca peut être très joli dans certains cas .... mais pas du tout approprié d'autres fois.
    A vous de l'utiliser au bon moment.

    Donc ....
    Quand les voyageurs arrivent pour la première fois au niveau de notre fameuse épingle verte .... on les abandonne provisoirement.

    On prend une paire passive du milieu du mat , ou plus exactement, une paire qui se trouve à  l'endroit où vous voulez créer l'ajour (ici, c'est la deuxième paire, mais tout dépend de la largeur de votre mat ).

    Vous tordez deux fois cette paire, et elle devient voyageurs pour aller vers l'épingle extérieure, puis elle revient jusqu'à son point de départ.

     A ce moment là, vous faites deux torsions sur ces voyageurs provisoires, et vous les abandonnez : il redeviennent paire passive .


    Attention : toute cette partie du travail, entre la flèche grise et la flèche bleue, doit être faite avec douceur : ne tirez pas trop sur vos voyageurs pour éviter d'avoir un ajour énooooorme.

    Pour finir, vous récupérez vos "vrais" voyageurs qui vous attendent à l'épingle verte et vous continuez comme d'habitude.

    courbe methode 6 p300



    Il existe d'autres façons de faire les épingles utilisées deux fois :
     il y a celles que je n'aime pas trop, alors je n'en parle pas ....
    et puis il y a certainement aussi celles que je ne connais pas .... alors j'en parle pas non plus ,
    mais peut être aurez vous l'occasion de les évoquer dans vos commentaires, ce serait un plaisir.


    guirlande_fleur.gif

    Et pour vous remercier d'avoir été patientes pendant toute une semaine, voici en cadeau un adorable petit chromo avec une dentellière.

    ben oui ... en bonne nantaise que je suis, 1 cm de neige suffit pour que je sois tétanisée !
    Mon esprit ne tourne plus qu'autour de la météo ... l'état des routes ... et comment je vais faire pour aller au boulot, etc etc
    alors le blog doit attendre la fonte des neiges .... ou le week end




    dentelles de belgique p350


  •  
    Bonne année 2010 2


    Et oui, dans "Dentelle et Papillon"
    il y a aussi .... PAPILLON

    Alors honneur à Papillon pour une fois, car vous vous doutez bien que je ne suis pas seule à tenir ce blog,
     je suis aidée par Papillon qui se charge de toutes les recherches dans les vieilles revues, comme vous le voyez.

    Toutes les deux, nous vous souhaitons de tout coeur

    une très Bonne
    et  Heureuse Année 2010

    à vous, lectrices et lecteurs fidèles
    et à tous ceux que vous aimez 







    Papillon en profite pour remercier toutes celles qui lui transmettent des caresses (ainsi qu'à Chat),
     et à son tour, elle vous charge de souhaiter de sa part une  bonne année à tous vos petits compagnons à 4 pattes.




  • Danse 1 Camargo p350

    Après vous avoir présenté la très sage Mme de Sennonnes,
    je voulais vous faire découvrir une autre "pensionnaire" du Musée des beaux Arts de Nantes : 

    La Camargo

    La Camargo !!!
    La "Brillante" disait Voltaire

    Mais aussi la scandaleuse !!!


    Car je suis sûre que vous êtes encore sous le choc !
    Et oui, éloignez vite vos enfants, cette image de la Camargo, vous en conviendrez, est d'une impudeur sans nom.

    Oui!    Oui oui,  je vous le confirme vous avez bien vu :    
    la Camargo nous montre .... ses chevilles !!!!!!!


    Vous êtes vous jamais demandé comment était né le costume des danseuses ?
    J'avoue ne m'être jamais posé la question jusqu'à ce qu'un jour je tombe sur un très intéressant article du journal des ouvrages de dames , article que je vais essayer de vous résumer.

    Tout d'abord, nous passerons sur l'époque lointaine où tous les rôles, qu'ils soient masculins ou féminins, étaient joués par des hommes, que ce soit au  théatre, à  l'opéra ou au ballet.

    Ce n'est donc que vers 1680 que l'on commença à permettre aux  femmes monter sur scène .
    Au grand plaisir du public d'ailleurs , et les rares danseuses de l'époque étaient extrêmement célèbres.



    Danse 2 Subligny p263
    Leur costume ? 
    Et bien les mêmes que ceux des "grandes dames" .
     Il n'était pas question à ce moment là d'adapter le costume de scène au rôle.

    C'était au point qu'une danseuse de l'époque acheta la garde robe de la grande tragédienne Adrienne Lecouvreur et dansa tous les soirs le même rôle ...  en portant alternativement tous les costumes de tous les rôles qu'avaient joué feu Adrienne.

    Mis à part cette petite anecdote, l'essentiel pour les danseuses était de conforter leur prestige et leur célébrité en portant  les mêmes costumes que les dames de la cour.
    Il n'était donc pas question de montrer un petit bout de jambe : robes longues, corsets et longues manches à engageantes étaient de rigueur.


    Guère pratique pour danser tout ça .








    Il fallut attendre 1726 pour qu'une jeune danseuse débutante, Marie-Anne Camargo ose raccourcir .... un tout petit peu .... sa robe de danseuse, permettant de faciliter ses mouvements, mais permettant aussi  de voir ses chevilles !

    On dit que c'est elle aussi qui, la première, aurait enlevé les talons de ses chaussures, inventant ainsi les chaussons de danse.

    En tout cas, ses chevilles dévoilées firent  véritablement scandale et donnèrent  lieu à de nombreux et houleux débats .... mais la jupe "courte" l'emporta malgré tout.


    Du coup, les danseuses se crurent tout permis pendant un moment ..... au point qu'il fallut une ordonnance de police pour remettre un peu d'ordre en rappelant  que  le port du caleçon était obligatoire !!
     et tant pis s'il ne facilitait pas les entrechats.





    Danse 3 Sallé p250

    Après la Camargo, ce fut au tour de
    Mlle Sallé

    de faire scandale

    Marie Sallé, "la ravissante" selon Voltaire

    en 1736  au Covent Garden de Londres,
    elle  osa danser sans jupe, ni corset, ni jupon ! 

     vêtue d'une simple robe de mousseline drapée à la grecque ..... autant dire qu'elle dansait ...
    presque nue .....








    Oh   My God !  
    et de plus, vous allez à peine le croire, mais ... elle avait osé dénoué ses cheveux !
    "échevelée et sans aucun ornement sur la tête"

    mais le public anglais fut ravi, et on raconte qu'une pluie d'or tomba sur scène à la fin de la représentation.


    Hélas, aucun peintre n'immortalisa cette extravagance, et la seule image de Mlle Sallé que j'ai trouvé est fort sage. Je laisse donc la place à votre imagination pour le reste




    Mais cette tentative de Marie Sallé n'eut pas de suite.
    Les bonnes moeurs, mais aussi, et peut être surtout,  le goût des danseuses à se montrer parée des plus belles robes à panier l'emportèrent., et elles refusèrent pendant encore plusieurs années de porter  de simples costumes légers .

    En 1783, ce fut une cantatrice, la Saint Huberty, qui exigea de jouer le rôle de Didon de Puccini dans un costume antique léger. 

    On le lui refusera ...
    elle provoquera un énorme scandale ....
    une véritable affaire d'état, avec ministres et compagnie ....
    ...  pour finalement obtenir gain de cause




    Danse 4 Marie Taglioni p300


    Et cette fois ci, contrairement à la tentative de Mlle Sallé, il n'y aura pas de marche arrière, et malgré les protestations des partisans de l'ancien style, les danseuses vont  progressivement adopter les voiles, la mousseline et le linon

    jusqu'à ce que finalement, en
    1832,   Marie Taglioni fasse sensation dans le rôle de Sylphide en portant  pour la première fois une jupe courte de mousseline, le premier tutu romantique.



    Danse 5 Alicia-Alonso 1955 p200














    Ce tutu romantique aux genoux deviendra progressivement le rigide tutu "plateau " si majestueusement porté ici par Alicia Alonso en 1955









    Pour la petite histoire :

    Pour arriver progressivement à ce tutu rigide autour de la taille, il manquait une invention ,  invention que certains attribuent au bonnetier de l'Opéra de Paris, un certain Monsieur .... Maillot !
    D'autres contestent cette paternité, mais bon, "se non é vero , e ben trovato" disent les italiens, alors j'aime l'imaginer ainsi.

    Et oui, pour laisser tomber les voiles, sans pour autant s'afficher en tenue d'Eve, il fallait  inventer le "maillot."
    Pour arriver à l'apparence de la nudité, de nombreuses tentatives furent faites avec des caleçons étroits, de couleur rose,  mais tout cela n'était pas pratique, et les plis et les coutures enlevaient tout le charme.

    Le maillot permettra de raccourcir à l'extrême les robes qui devinrent tutus (le nom viendrait du mot "tulle" dont il est fait) et envahirent l'Europe.
    Même le Pape autorisera ce costume dans ses théâtres
     à condition que le maillot fut bleu pour éviter toute ...  confusion.
    Les danseuses avaient donc les jambes bleues !



    guirlande_fleur.gif




     Voici les quelques vers de Voltaire dédiés eux deux grandes rivales que furent Marie Anne Camargo et Marie Sallé :

    Ah ! Camargo, que vous êtes brillante !
    Mais que Sallé grands Dieux, est ravissante !
    Que vos pas sont légers et que les siens sont doux !
    Elle est inimitable, et vous toujours nouvelle ;
    Les Nymphes sautent comme vous,
    Et les Grâces dansent comme elle.






    Et à propos de Grâces, franchement, entre nous, vers 1500,
    Sandro Boticelli n'avait-il pas déjà créé le plus beau des costumes de danseuses  ?



    danse 6 boticelli p300


    1  -  Détail de La Camargo dansant - Nicola Lancret 1743 - Musée des Beaux Arts de Nantes
    2 - Melle Marie Thérèse de Subligny (1666 - 1736) qui brilla dans les opéras de Lully
    3 - Mlle Sallé
    4 - Marie Tagioni dans Zéphyre et Flore, par 
    Alfred-Edward Chalon.
    5 - Alicia Alonso (photographe ?)
    6 - Détail du Printemps de Sandro Boticelli (1444-1510). Musée des Offices de Florence