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Par dentelle et papillon le 12 Mars 2011 à 15:40
Nous sommes au XVème siècle et un nouvel élèment fait son entrée dans le costume :
le linge
Porter du linge sur la peua, c'est agréable
mais ce n'est pas donné à tout le monde, c'est un luxe.
Alors, puisque c'est un signe de richesse, il est hors de question de le laisser à sa place, sous le vêtement ,
non, il faut le montrer.
Ce linge blanc, immaculé, va couvrir le cou et la tête, avec des superpositions de drapés.
Il va magnifiquement éclairer le visage. On le veut parfait, empesé, plat et surtout le plus fin possible.
Regardez le portrait, on voit le front et la coiffe sous le linge .... il est très fin, ça ne peut pas vous échapper.
Mais la Renaissance va vite se lasser de cette rigueur quasi monacale.
On va élargir le décolleté,
on va donner du mouvement au linge,
on va adoucir,
on va arrondir les lignes.
Et puis surtout, on va déborder d'imagination ,
on va jouer avec le linge,
on va le froncer, le gonfler, le plisser
Le cou ne suffit plus, il faut en rajouter,
il va ressortir aux poignets
et on va même faire des trous, des "crevées" dans les costumes pour en faire ressortir des bouillonnés gigantes ques de linge blanc.
Mais c'est pas tout ça
il faut que la technique suive
Car au bord des encolures et des poignets, il faut consolider la toile, tout en laissant l'impression de légèreté et de transparence.
Alors plutôt qu'une simple couture, on va utiliser une technique bien connue depuis longtemps : la broderie
Au départ, ces broderies étaient donc surtout utilitaires.
Sur cet homme, une petite broderie en forme de dents pour l'encolure arrondie.
Et plutôt qu'un simple couture, on a assemblé la manche avec un petit jour décoratif.
.
On trouve ça joli
...
Il est joli ce petit jour, ça donne envie d'en faire plus.
et cette petite dent en haut,
elle est délicate comme tout,
...
C'est même dommage qu'elle ne soit pas dans l'autre sens, elle se serait détachée sur le col sombre, cela aurait été magnifique.
Ajourer et faire des dents
Ajourer et faire des dents
Ajourer et faire des dents
Ajourer et faire des dents
Cela va devenir quasi obsessionnel
Pour ajourer, c'est facile, on va broder des jours, ça, on sait faire
Ce linge qu'il était si important de montrer,
on va maintenant s'acharner à le faire disparaître sous la broderie.
Les jours vont occuper toute la place.
Mais hélas, on ne peut faire que des bandes.
Les jours sont tributaires des fils de trame et de chaîne de la toile.
C'est droit
C'est désespérément droit
Pas de dents possibles
Car si on coupe le tissu en forme de dents, une petite broderie ne suffira pas à consolider, on aura de la charpie.
On va avoir une nouvelle idée :
utiliser la broderie comme trompe l'oeil
On fronce, et on fait une broderie sur le bord qui donne un impression de petites dents
Pas bête , hein
ça fait son p'tit effet, non ?
On va même accentuer cet effet en brodant en noir.
C'est ainsi que la broderie noire devint brusquement à la mode.
Le contraste de la broderie noire sur le linge blanc donnait une impression de pleins et de vides,
d'ajourages
et avec les fronces, on croyait voir des petites dents aux encolures
C'est pas mal, mais c'est pas encore ça.
on a réussi à ajourer, mais les dents ....
il faut qu'on arrive à avoir des dents !!!!
Regardez la à droite, elle est tout prête, elle a adopté la toute nouvelle mode des grands cols relevés, elle rêverait d'un col bordé de dents très longues, très pointues et très ajourées
viiiiiiite
il y a urgence
Il faut qu'on trouve une solution
et oui, il ne faut pas croire que la dentelle (*) est un art millénaire,c'est une invention de la fin de la Renaissance,
le fruit de longues recherches techniques .
Une quête acharnée de la "dent" qui donnera bien entendu son nom à cette extraordinaire invention qui est sur le point d'arriver.Les coquettes et les coquets qui ont défilé pour vous sont :
Roger van der Weyden - portrait de femme - 1460- National Gallery Londres
Ambrosius Benson - Jeune femme lisant -1520 - Musée du Louvre Paris
Agnolo Bronzino - Marie de Medicis - Gallerie desOffices
Raphaël -Jeanne d'Aragon - musée national du château de Fontainebleau
Hans Memling - portrait de Jacob Obrecht - Kimaball art museum
Agolo Bronzino- Portrait d'homme - Musée du Louvre
François Clouet- Charles IX de France -1561 - Kunsthistorisches Museum Vienne
Agnolo Bronzino - Portrait de femme - 1530 - Collection Royale Windsor
Agolo Bronzino - Lucrece di Cosimo - 1560 - Galerie des Offices Florence
Hans Holbein le jeune - Catherine Howard - 1540 - Toledo museum of Art
Ce petit diaporama vous permet de les voir "en entier"
... et d'en voir d'autres.
(*) Le terme dentelle au sens strict désigne des ouvrages réalisés :A la main (on ne devrait pas dire dentelle mécanique)
Avec des fuseaux ou une aiguille (exit la frivolité, le crochet, etc....)
Sans support permanent (donc pas de broderie qui se fait sur un tissu)
Ce qu'on voit sur les têtes des jolies dames de l'antiquité, c'est peut être du filet, en tout cas pas de la dentelle.
.
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Par dentelle et papillon le 16 Janvier 2011 à 15:20
On oublie trop souvent que la dentelle fut aussi une affaire d'hommes.
Si vous parlez de dentelle aux messieurs d'aujourd'hui,
... bling ...
ils vont avoir une petite étincelle dans l'oeil en associant aussitôt cette dentelle à la lingerie de leur compagne.
Mais non Messieurs,
vous avez oublié,
mais vous avez vous mêmes porté de la dentelle,
et sur vos armures en plus !
Avouez qu'on peut difficilement trouver tenue plus chargée en testostérone !
Resituons nous : vous êtes contemporains de Louis XIII ou Louis XIV,
et vous aimez vous faire tirer le portrait dans vos plus belles tenues,
pour montrer à tous votre puissance et votre richesse.
L'armure était parfaite pour montrer qu'on est un homme,
un vrai,
un costaud,
un puissant,
un guerrier .
Et intelligent en plus !
puisqu'il va de soi qu'on est un génie militaire et un fin stratège.
Ben tiens !
Et courageux bien sûr !
en témoigne cette blessure de guerre,
ce bras en écharpe
(écharpe .... bordée de dentelle )
Bien évidemment, ce sont des armures de parade, richement ouvragées.
Mais sur les portraits du XVIIème, la richesse du modèle se mesurait surtout à la quantité et la qualité des dentelles qu'il pouvait porter,
et donc s'offrir.
Alors, en plus de la belle armure,
on rajoute de la dentelle !
Il faut dire que la dentelle du XVIIème faisait de l'effet sur les
sombres armures.
Vers 1640, finies les fines dentelles à l'aiguille italiennes, ces dentelles arachnéennes au dents pointues qui bordaient les fraises,
la mode était maintenant aux douces dentelles flamandes aux fuseaux, aux bords arrondis.
Ces dentelles blanches très denses tranchaient magnifiquement sur les lourdes étoffes de soie ou de velours sombres
... et sur les armures
Il y a une autre dentelle qui faisait beaucoup d'effet sur ces armures, il s'agit du Point de Gênes
(dentelle aux fuseaux malgré son nom).
En voyant le gros plan de la dentelle, sans doute pensez vous au Cluny ?
Mais non, mais non, ce n'est pas du Cluny.
Le Cluny est une dentelle beaucoup plus tardive
qui a quand même .... il faut l'avouer ....
un petit peu beaucoup copié la dentelle de Gênes
J'ai souvent trouvé étrange qu'on ne voit pas de Gros Point de Venise sur ces portraits en armure.
Peut être en connaissez vous ?
J'ai malgré tout ce portrait d'Henri de la Tour d'Auvergne vers 1669, avec un grand col de dentelle à l'aiguille, qui n'est pas tout à fait ... mais presque, du Gros Point de Venise.
Dans ce casting exclusivement masculin de cet article, nous avons pu admirer :
1- Les jeunes frères Charles-Louis et Robert de Bavière, 1645 - Antony Van Dyck - Musée du Louvre à Paris
2- Christian von Braunschweig-Wolfenbüttel, 1623, peintre anonyme. Collection royale des pays bas. Vous pouvez voir deux autres portraits en armure de Christian dit "le furieux" ici et ici
3- Le fier Nicolas de l'Hopital, duc de Vitry, au col fleuri (fuseaux) Ecole française du XVIIeme, vers 1645. Musée National de Château de Versailles
4- Dentelle de Flandre aux fuseaux, vers 1630. Collection du Victoria & Albert Museum
5 - L'échevelé Frédéric Henri, prince d'Orange avec son Point de Gênes, XVIIe, par Michiel van Janszoon, Amsterdam Rijksmuseum
6 - Le sévère Henri de la tour d'Auvergne vers 1669. Gravure d, Masson. Vicotria & Albert Museum
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Par dentelle et papillon le 2 Mars 2010 à 12:00
Des souris sur des palissades ?
De quoi vais-je bien pouvoir parler avec un titre pareil ?
et bien .... de coiffure, et plus exactement,
de coiffure à la Fontanges
Imaginez la charmante scène que je vais vous conter :
lors d'une partie de chasse, Marie Angélique, duchesse de Fontanges, la ravissante favorite de Louis XIV, se trouve soudain décoiffée par un malencontreux coup de vent ...
ou une branche d'arbre ... on ne sait plus très bien ....
... et puis on s'en fiche, là n'est pas le sujet.
Bref, pour ne pas être gênée, elle prend alors un ruban
(certains disent même qu'il s'agissait en fait d'une jarretière )
pour nouer ses cheveux en haut de sa tête.
Le roi trouve cette coiffure improvisée si charmante qu'il lui demanda de la garder
et du coup ... toutes les dames de la cour vont se coiffer de la sorte.
C'est ainsi que naquit vers 1675 la coiffure à la Fontanges, mode qui dura plus d'une vingtaine d'années.
Alors non, n'imaginez pas que toutes les dames se promenaient avec une jarretière sur la tête
J'imagine que la coiffure improvisée et naturelle d'origine devait un peu ressembler au portrait que j'ai mis en début d'article (même s'il est beaucoup plus tardif)
Mais tout le monde chercha à rivaliser, c'était à qui mettrait le plus de rubans, de dentelles ou de bijoux dans ses cheveux, cheveux que l'on se mit à coiffer de plus en plus en hauteur.
La coiffure à la Fontanges consiste donc à dresser sur la tête une véritable pyramide de boucles et de tortillons
on rivalisait d'inventions, et chaque façon de mettre une mèche de cheveux avait un nom :
Les choux pour les cheveux noués en chignon,
la passagère , touffe bouclée près des tempes, devenait une favorite si elle pendait sur la joue.
Une cruche était une petite boucle sur le front, la même petite boucle plus près des oreilles devenait une confidente, ou un crève coeur si elle était plaquée sur la nuque ,
ou encore un berger si, tournée vers le haut, elle formait une houppette.
Les rubans, les épingles et autres colifichets que l'on mélangeait avec les boucles avaient aussi leurs noms :
souris (voilà la souris du titre ), duchesse, firmaments, guêpes, papillons, etc
Bien sûr, il va sans dire que les cheveux de ces dames n'y suffisaient pas, et que nombre de ces mèches étaient des postiches.
Les coiffures devenant de plus en plus hautes, et les rubans et autres dentelles de plus en plus nombreux, il fallut consolider ces édifices avec des armatures de laiton.
Pour simplifier, on peut dire qu'il y aura, alternativement,
deux types de coiffures à la Fontanges
Une en cheveux
et l'autre ... en fil de fer
La coiffure à la Fontanges
devint progressivement une sorte de
bonnet à la Fontanges :
une véritable palissade dressée sur la tête et constituée de plusieurs étages de dentelle (sans doute beaucoup de Point de France à l'aiguille)
La hauteur devint telle que les dames durent se courber pour passer les portes.
Cet édifice savant de fer et de dentelle se composait de plusieurs éléments qui portèrent eux aussi des noms délicieux :
la palissade (et voilà la palissade ), le monte-là-haut, la commode, la culbute, etc....
On y fixait aussi parfois une ou deux longues bandes de dentelles dites les cornettes
(ou la jardinière s'il n'y en avait qu'une),
ces deux bandes de dentelles pouvaient flotter dans le dos, ou bien elles étaient ramenées sur le devant, dans le cou, telle une mèche de cheveux .... en dentelle.
Il va sans dire que ces coiffures devenaient vraiment risibles au fur et à mesure qu'elle prenaient de la hauteur, et de nombreux contemporains s'en agacèrent et s'en moquèrent, on fit même des pièces de théâtre qui les tournaient en ridicule.
Même Louis XIV n'aimait plus, et il tenta maintes fois d'interdire le port de ces coiffures surdimensionnées.
Alors, sous la pression, ces dames revenaient pour un moment à des coiffures plus basses, à l'idée des cheveux noués par un simple ruban,
mais très vite ...
hop .... hop .... hop ....
la Fontange remontait encore un petit peu plus haut sur la tête.
Et oui, même le grand Louis XIV ne faisait pas ce qu'il voulait en son royaume !
Et qui réussit là ou le roi soleil échoua ?
Une anglaise !
Oui, une anglaise qui se pointa un jour de 1714 à la cour avec une coiffure plate qui fit fureur et mit à terre d'un seul coup toutes les Fontanges de France
Le roi fut vexé parait-il, qu'une "guenille d'Angleterre, avec une petite coiffe basse" ait réussi là où il avait échoué.
Évidemment bien sûr .... je n'ai rien inventé et rien découvert, j'ai butiné mes infos entre autre dans les ouvrages suivants :
Histoire de la mode et du costume - James Laver
Histoire du costume en France - de Monsieur Quicherat, si précis (c'est chez lui que j'ai trouvé tous les petits noms des mèches de cheveux) et au langage si délicieux.
Le costume français - ouvrage collectif chez Flammarion
Les différentes coiffures vous ont été présentées par :
La duchesse de Beaufort, 1714. par Nicolas de Largillière. Paris, musée Cognac-Jay
Une inconnue, dont le portrait a été fait par Nicolas de Largillière vers 1710
2 dames Par Nicolas Bonnart
et enfin la petite Marie Thérèse Sturat, Par Nicolas de Largillière encore. National portrait Gallery de Londres
et pour les impatientes de l'aponçage .... le prochain article, promis, on s'y remet
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Par dentelle et papillon le 14 Février 2010 à 15:20
Dans les anciennes revues de
jours sur toile
nombreuses sont les pages nous proposant différentes façons d'utiliser ces jours pour orner les chemises, le linge, les dessous.
Mais généralement, on a acheté cette vieille revue pour avoir des modèles de jours, pour la sacro sainte technique,
alors on survole ces pages désuètes d'un oeil distrait, ces "parures élégantes" n'existent plus.
Et puis un jour, on a peut être la chance de retrouver au fond d'une armoire une de
ces vieilles "chemises de jour" de nos grand mères ,
et tout d'un coup,
la "parure élégante" devient réalité
oui, une femme a pris le temps de faire tous ces petits jours échelles, sur une toile dont la finesse n'est hélas pas perceptible sur la photo.
Elle a pris le temps de broder ces petits pois en broderie blanche , pour qu'ils soient aussi ronds que possibles, en veillant bien à ne pas tirer les fils si fins de la toile.
Et quel joli travail que le montage de la petite dentelle,
avec un minuscule ourlet roulotté et bordé d'un petit jour échelle.
Alors, en ce froid dimanche de février,
rien que pour le plaisir des yeux,
je vous propose d'en admirer les détails.
Qui aurait le courage aujourd'hui de consacrer autant de travail, de minutie, de finesse pour des "dessous" ... donc par définition pour un vêtement
qu'on ne voit pas ?
Qui aurait le courage de laver ce linge blanc à la main, car je ne suis pas sûre que le montage de la dentelle avec son délicat jour échelle résiste longtemps au lave linge .... et encore pire au sèche linge ?
Qui prendrait le temps de l'amidonner avec soin, de le repasser délicatement, de le parfumer légèrement ?
Et pourtant .... quel bonheur ce devait être que d'enfiler cette chemise légère
Il existe plusieurs façons de faire les petits pois en broderie blanche, vous pouvez commencer par regarder ICI
et pour les jours échelles, c'est LA
Mais pour découvrir une multitude de jours tous aussi jolis les uns qu e les autres, et très bien expliqués, je ne saurais que vous recommander à nouveau le livre de Jacqueline Clechaux éditions Carpentier
"Les jours brodés sur toile"
Bon dimanche
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Par dentelle et papillon le 29 Décembre 2009 à 20:00
Après vous avoir présenté la très sage Mme de Sennonnes,
je voulais vous faire découvrir une autre "pensionnaire" du Musée des beaux Arts de Nantes :
La Camargo
La Camargo !!!
La "Brillante" disait Voltaire
Mais aussi la scandaleuse !!!
Car je suis sûre que vous êtes encore sous le choc !
Et oui, éloignez vite vos enfants, cette image de la Camargo, vous en conviendrez, est d'une impudeur sans nom.
Oui! Oui oui, je vous le confirme vous avez bien vu :
la Camargo nous montre .... ses chevilles !!!!!!!
Vous êtes vous jamais demandé comment était né le costume des danseuses ?
J'avoue ne m'être jamais posé la question jusqu'à ce qu'un jour je tombe sur un très intéressant article du journal des ouvrages de dames , article que je vais essayer de vous résumer.
Tout d'abord, nous passerons sur l'époque lointaine où tous les rôles, qu'ils soient masculins ou féminins, étaient joués par des hommes, que ce soit au théatre, à l'opéra ou au ballet.
Ce n'est donc que vers 1680 que l'on commença à permettre aux femmes monter sur scène .
Au grand plaisir du public d'ailleurs , et les rares danseuses de l'époque étaient extrêmement célèbres.
Leur costume ?
Et bien les mêmes que ceux des "grandes dames" .
Il n'était pas question à ce moment là d'adapter le costume de scène au rôle.
C'était au point qu'une danseuse de l'époque acheta la garde robe de la grande tragédienne Adrienne Lecouvreur et dansa tous les soirs le même rôle ... en portant alternativement tous les costumes de tous les rôles qu'avaient joué feu Adrienne.
Mis à part cette petite anecdote, l'essentiel pour les danseuses était de conforter leur prestige et leur célébrité en portant les mêmes costumes que les dames de la cour.
Il n'était donc pas question de montrer un petit bout de jambe : robes longues, corsets et longues manches à engageantes étaient de rigueur.
Guère pratique pour danser tout ça .
Il fallut attendre 1726 pour qu'une jeune danseuse débutante, Marie-Anne Camargo ose raccourcir .... un tout petit peu .... sa robe de danseuse, permettant de faciliter ses mouvements, mais permettant aussi de voir ses chevilles !
On dit que c'est elle aussi qui, la première, aurait enlevé les talons de ses chaussures, inventant ainsi les chaussons de danse.
En tout cas, ses chevilles dévoilées firent véritablement scandale et donnèrent lieu à de nombreux et houleux débats .... mais la jupe "courte" l'emporta malgré tout.
Du coup, les danseuses se crurent tout permis pendant un moment ..... au point qu'il fallut une ordonnance de police pour remettre un peu d'ordre en rappelant que le port du caleçon était obligatoire !!
et tant pis s'il ne facilitait pas les entrechats.
Après la Camargo, ce fut au tour de
Mlle Sallé
de faire scandale
Marie Sallé, "la ravissante" selon Voltaire
en 1736 au Covent Garden de Londres,
elle osa danser sans jupe, ni corset, ni jupon !
vêtue d'une simple robe de mousseline drapée à la grecque ..... autant dire qu'elle dansait ...
presque nue .....
Oh My God !
et de plus, vous allez à peine le croire, mais ... elle avait osé dénoué ses cheveux !
"échevelée et sans aucun ornement sur la tête"
mais le public anglais fut ravi, et on raconte qu'une pluie d'or tomba sur scène à la fin de la représentation.
Hélas, aucun peintre n'immortalisa cette extravagance, et la seule image de Mlle Sallé que j'ai trouvé est fort sage. Je laisse donc la place à votre imagination pour le reste
Mais cette tentative de Marie Sallé n'eut pas de suite.
Les bonnes moeurs, mais aussi, et peut être surtout, le goût des danseuses à se montrer parée des plus belles robes à panier l'emportèrent., et elles refusèrent pendant encore plusieurs années de porter de simples costumes légers .
En 1783, ce fut une cantatrice, la Saint Huberty, qui exigea de jouer le rôle de Didon de Puccini dans un costume antique léger.
On le lui refusera ...
elle provoquera un énorme scandale ....
une véritable affaire d'état, avec ministres et compagnie ....
... pour finalement obtenir gain de cause
Et cette fois ci, contrairement à la tentative de Mlle Sallé, il n'y aura pas de marche arrière, et malgré les protestations des partisans de l'ancien style, les danseuses vont progressivement adopter les voiles, la mousseline et le linon
jusqu'à ce que finalement, en 1832, Marie Taglioni fasse sensation dans le rôle de Sylphide en portant pour la première fois une jupe courte de mousseline, le premier tutu romantique.
Ce tutu romantique aux genoux deviendra progressivement le rigide tutu "plateau " si majestueusement porté ici par Alicia Alonso en 1955
Pour la petite histoire :
Pour arriver progressivement à ce tutu rigide autour de la taille, il manquait une invention , invention que certains attribuent au bonnetier de l'Opéra de Paris, un certain Monsieur .... Maillot !
D'autres contestent cette paternité, mais bon, "se non é vero , e ben trovato" disent les italiens, alors j'aime l'imaginer ainsi.
Et oui, pour laisser tomber les voiles, sans pour autant s'afficher en tenue d'Eve, il fallait inventer le "maillot."
Pour arriver à l'apparence de la nudité, de nombreuses tentatives furent faites avec des caleçons étroits, de couleur rose, mais tout cela n'était pas pratique, et les plis et les coutures enlevaient tout le charme.
Le maillot permettra de raccourcir à l'extrême les robes qui devinrent tutus (le nom viendrait du mot "tulle" dont il est fait) et envahirent l'Europe.
Même le Pape autorisera ce costume dans ses théâtres
à condition que le maillot fut bleu pour éviter toute ... confusion.
Les danseuses avaient donc les jambes bleues !
Voici les quelques vers de Voltaire dédiés eux deux grandes rivales que furent Marie Anne Camargo et Marie Sallé :
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Ah ! Camargo, que vous êtes brillante !
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Mais que Sallé grands Dieux, est ravissante !
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Que vos pas sont légers et que les siens sont doux !
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Elle est inimitable, et vous toujours nouvelle ;
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Les Nymphes sautent comme vous,
Et les Grâces dansent comme elle.
Et à propos de Grâces, franchement, entre nous, vers 1500,
Sandro Boticelli n'avait-il pas déjà créé le plus beau des costumes de danseuses ?
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1 - Détail de La Camargo dansant - Nicola Lancret 1743 - Musée des Beaux Arts de Nantes
2 - Melle Marie Thérèse de Subligny (1666 - 1736) qui brilla dans les opéras de Lully
3 - Mlle Sallé
4 - Marie Tagioni dans Zéphyre et Flore, par Alfred-Edward Chalon.
5 - Alicia Alonso (photographe ?)
6 - Détail du Printemps de Sandro Boticelli (1444-1510). Musée des Offices de Florence
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