-
Si vous avez déjà fait des points d'esprit carrés dans du fond clair
...
vous avez très certainement eu l'occasion d'employer l'intégralité du vocabulaire le plus fleuri que vous connaissez
Quand on le fait, il est merveilleux, carré à souhait, une pure merveille
et puis dès qu'on se met à continuer le fond clair tout autour,
tout doucement
....
sans bruit
....
le point d'esprit se transforme
...
se déforme
....
pour devenir une petite chose triangulaire et moche
qui vous couvre de honte
Tout d'abord un petit mot pour celles et ceux qui ne savent pas ce que sont les points d'esprit carrés
ce sont ces petites mouchetures qu'on trouve par exemple dans le réseau de certains dentelles comme les dentelles de Beveren à fond clair que vous voyez sur cette photo et sur celle du haut.
Dans cet article, je vais essayer de vous donner une petite astuce bien pratique,
non pas pour réaliser le point d'esprit carré,
mais pour éviter de le déformer quand on continue le fond.
Vous avez sans doute lu plein de théories différentes pour avoir si, dans le fond clair, il fallait faire 1, 2 ou 3 torsions sur les paires à la sortie d'un point d'esprit carré.
Et bien je dis que le nombre de ces torsions est primordial .... à doit être adapté à la situation
Un point d'esprit se fait avec 4 fils.
Il y a le voyageur que j'ai dessiné en bleu (*)
Le balancier qui traverse généralement en diagonale le point d'esprit
(en noir sur mon dessin)
Et les deux fils d'armature, un de chaque côté (en rouge sur le dessin).
Ce ont eux qui donnent sa belle forme carré à notre point d'esprit.
Le voyageur est un être malveillant et hostile, toujours prêt à déformer le point d'esprit dès qu'on tire un peu dessus.
Il faut bien l'avoir à l'oeil et le manipuler avec précautions.
Par contre les fils d'armatures sont nos amis
ils sont précieux, très précieux, à condition de bien savoir les utiliser.
En regardant le dessin, vous voyez que que ce qu'on va essayer de faire, c'est de les tendre tout le long de la ligne de réseau,
On va les tirer le plus loin possible vers l'extérieur pour bien immobiliser les deux côtés du point d'esprit, et éviter que ce dernier ne se resserre au milieu.
Pour cela, rien de plus simple :
A la fin de votre point d'esprit, identifiez bien les fils d'armature,
et faites de chaque côté 2 ou 3 torsions
de façon à ce que votre fil rouge soit à l'extérieur.
Tant pis si vous avez pour cela fait 2 torsions d'un côté et 3 de l'autre .... ce sera invisible,
alors que, croyez moi, un point d'esprit déformé, c'est bien visible !
Vous pouvez maintenant démarrer vos diagonales du réseau.
Pour savoir s'il vaut mieux démarrer par la droite ou la gauche,
essayez de voir quelle est la diagonale qui vous permettra de mieux amarrer votre fil rouge.
Par exemple avec un peu de chance, vous pourrez vous rendre compte que la diagonale de gauche peut être travaillée sans obstacles jusqu'au pied de la dentelle.
C'est l'idéal : le pied, avec toutes ses passées tordues vous permettra de bien amarrer votre fil rouge,
et donc de bien "fixer" le bord gauche de votre point d'esprit.
Puis travaillez aussitôt la diagonale de l'autre côté, aussi loin qu'il est possible.
Même si vous n'avez pas de pied ou de motif pour amarrer votre fil rouge, le fait de le travailler le plus loin possible vous permet de sécuriser le bord droit de votre point d'esprit.
Vous savez que trop tirer sur votre voyageur déforme votre point d'esprit.
Vous voyez sur le dessin qu'avec ce système, le voyageur bleu est tout de suite abandonné, dès le premier point.
Et quand on le reprendra pour faire le point du milieu, les bords de notre point d'esprit auront été consolidés, donc moins de risque de tout saccager
...
ce qui ne veut pas dire qu'il faut tirer dessus comme des malades non plus
Voilà, j'espère que ça pourra vous aider un jour.
En attendant, Chat vous souhaite un très bon week end
oui, je sais, on ne voit pas grand chose d'autre qu'une vague boule noire,mais sachez que je n'aurai pas l'occasion de pendre de meilleure photo de lui avant le printemps :
tel que vous le voyez là, il est installé dans son "hamac de radiateur" pour tout l'hiver
(*) le dessin que je vous propose est un dessin fil à fil, et devrait donc être dessiné tout en jaune si on voulait respecter la codification couleur de la dentelle. J'ai mis du bleu et du rouge pour mieux illustrer mes propos, il va sans dire que c'est une fantaisie )
-
Et si je vous racontais une jolie histoire de dentellière ?
une histoire pour enfant,
parue dans un numéro de la revue Lisette, le 18 juillet 1948.
Alors oubliez pendant quelques instants que vous êtes un adulte responsable,
plein d'expérience de sagesse
. . . et de soucis
et écoutez
Il était une foisune modeste maison près du Puy, dans laquelle vivait une famille heureuse, celle de Jacques le bûcheron, sa femme Catherine, leur fille aînée Rosine et les deux petits jumeaux de six ans.
Catherine s'occupait du ménage et des animaux, secondée par Rosine.
Toutes les deux "étaient aussi, comme beaucoup de femmes d'Auvergne, de bien habiles dentellières",
Elles travaillent sur leur carreau tous les soirs, et la vente de leurs dentelles, ajoutée aux bons gages de Jacques, permettait à a famille de vivre sans s'inquiéter du lendemain.
Mais un jour, Jacques fit une chute mortelle, et malgré leur chagrin, nos deux dentellières durent travailleur sur leur carreau du matin jusqu'au soir car leur travail était devenu l'unique source de revenus de la famille.
(et, même si la revue ne le dit pas, il est fort possible que les deux petits garçons se soient mis aussi à la dentelle, comme cela arrivait souvent dans ce cas)
Le renom des deux dentellières était très grand, et par une belle journée de la fin mars, un carrosse s'arrêta devant la petite maison.
En descendit Henriette de Valereuse, la fille d'un riche marquis de la région.
Elle s'émerveilla du travail de nos deux dentellières et passa commande d'un grand châle qu'elle souhaitait impérativement avoir le 30 juin.
Les deux femmes essayèrent en vain de lui dire que trois mois ne suffiraient pas,
la belle Henriette ne voulut rien entendre,
elle n'avait pas l'habitude qu'on lui résistât.
Nos deux dentellière travaillèrent sans relâche, au point que Catherine, à la santé fragile, tomba gravement malade.
Malgré tout son courage, Rosine ne put terminer le voile à temps.
Le dernier jour de juin, portant son travail très avancé mais non terminé, elle arriva au château de Valereuse, pour demander encore quelques jours de délai.
La réponse d'Henriette fut sans appel :
"Et bien petite fille dit-elle d'un ton cassant, remporte ton travail,
il me plaisait qu'il fut terminé ce jour;
Je rentre demain au Puy où il ne manque pas d'habiles dentellières,
et je saurai trouver un voile à mon goût"
pfffffff sale gosse
Pour ne pas inquiéter Catherine, Rosine lui fit croire qu'Henriette de Valereuse avait accepté,
et elle termina seule le voile
Elle le porta ensuite au Puy pour tenter de le vendre chez son marchand habituel
Mais hélas, il refusa
"Crois tu que je vais acheter un voile que je ne vais jamais vendre ?
Tache, si tu veux continuer de travailler avec moi, de me faire des travaux plus simples"
Découragée et épuisée par tous ces jours sans sommeil, la pauvre petite trébuche en sortant du magasin, et s'écroule sur les pavés inégaux de la rue étroite, manquant de justesse de se faire écraser par un carrosse qui arrivait à toute allure.
vous avez l'image de cet instant terrible sur la couverture de la revue.
Ames sensibles s'abstenir
Le marquis de Valereuse
(ha ben voui, forcement, c'était le carrosse du marquis )
dit à son cocher d'aller chercher la pauvre enfant.
"Très bon, très paternel, il demanda à Rosine de lui conter son histoire."
Par délicatesse Rosine ne prononça pas le nom d'Henriette.
"cette dentelle, enfant, dit-il, je te l'achète. Je t'emmène chez moi et tu la remettras toi même à ma fille à qui je veux l'offrir; en échange, prends cette bourse, ta pauvre mère guérira et tes petits frères n'auront plus faim "
bhou hou hou, je suis en larme, j'y croyais plus,
quelle surprise !!!!
La fin de l'histoire ?
"Henriette dit à son père sa conduite honteuse vis à vis de la petite dentellière ... et promit de ne plus porter de dentelle qui ne soit sortie des mains de Rosine et de sa maman.... Grâce à elle la maison de Rosine abrita à nouveau des gens heureux, pleins de confiance en l'avenir"
FIN
Après la publication du conte pour enfant espagnol La Puntaire,
Mauricette m'a fait le très grand plaisir de m'offrir cette ancienne revue.
Alors à toi Mauricette, encore une fois, un énoooooorme MERCI
-
Comment les petites dentellières
des siècles passés
apprenaient-elles leur métier ?
Avec leur maman, leur tante, leur grand mère ?
oui certainement, mais de cet apprentissage familial, nous ne savons pas grand chose.
Parfois on passait un accord avec la voisine dentellière, qui se chargeait d'enseigner ce qu'elle savait à la petite fille, moyennant finance ou compensation en nature, mais de ça aussi nous n'avons pas trace, sauf ....
sauf si les deux parties avaient eu la bonne idée d'établir un véritable contrat qui va arriver jusqu'à nous.
Ainsi ce boucher d'Alençon qui va demander à deux veuves, deux dentellières à l'aiguille, de prendre sa fille Catherine en apprentissage, charge à lui de fournir le matériel nécessaire, et de donner en contrepartie aux deux veuves un morceau de viande de 4 sols tous les samedis.
Il y avait aussi l'apprentissage collectif par les manufactures royales qui se sont chargées de former leurs dentellières, ou par les nombreuses oeuvres de charité qui avaient pour but d'enseigner aux jeunes fille un « métier honnête ».
Mais très souvent, les familles plaçaient leur petits filles
en apprentissage ,
chez des dentellières, ou, généralement chez des marchants,
en établissant un contrat en bonne et due forme.
On a ainsi pu retrouver nombre de ces contrats, dont certains datent du XVIIeme siècle,
des« baux de services » d'enfants,
des « baux à titre de nourriture et entretenement », etc.
Que nous racontent ces contrats ?
Que les enfants avaient généralement entre 7 et 12 ans à la signature,
que la durée moyenne du contrat était de 6 ans.
Beaucoup quittaient l'apprentissage vers l'âge de 18 ans, pour s'établir.
Le bailleur ne verse habituellement pas d'argent au maître d'apprentissage
(sauf dans le cas de contrats de courte durée, surtout en ville),
au contraire, c'est le maître d'apprentissage qui pend à sa charge le logement, la nourriture et l'entretien du linge de l'enfant
« quéry ses vivres, fourny feu, lict et chandelle ».
En cas de maladie, le maître peut s'engager à
« fait panser et médicaments quinze jours durant ».
Bon, faudra pas s'imaginer être malade trop longtemps, hein
Parfois, le preneur se charge aussi d'habiller la jeune apprentie :
« entretenue d'habits, linge, chausses et souliers »
D'autres fois, surtout en campagne, il est même prévu qu'elle pourra emporter à la fin du contrat
« ses habits journaliers et ceux du dimanche »,
voire même un trousseau neuf, dont le montant est précisé et la composition parfois soigneusement détaillée dans le contrat, le maître s'engage ainsi à la fin du contrat à
« l'entrousseler bien et honnestement suivant sa condition »
Si en ville le contrat est souvent de courte durée, en campagne, il était généralement beaucoup plus long, et les « devoirs » du maître plus complets,
L'enfant peut ainsi être élevée par ses maîtres d'apprentissage, et certains contrats précisent que le preneur devra les traiter « comme si c'était leur propre enfant », sachant qu'en plus d'apprendre et faire de la dentelle, on pourra lui demander d'autres menus services.
Ainsi en 1770, Renée Jousselin se chargera d'enseigner « le velin » (= la dentelle à l'aiguille) à deux soeurs de 10 et 11 ans
« sans en rien cacher »
et ce, pendant huit ans.
Elle les logera, les nourrira, les enverra à la messe et au catéchisme, et même s'engage à leur apprendre à lire et à écrire
(ce qui était loin d'être toujours le cas !).
ô la belle vie ?
logée nourrie blanchie !
Pas sûr, car il y a bien entendu une contrepartie :
l'enfant va apprendre la dentelle et en faire .... en faire ...
... en faire beaucoup !
et le gain tiré de la vente de ces dentelles reviendra en intégralité au maître d'apprentissage
C'est pourquoi ces contrats sont souvent établis pour plusieurs années, afin de bénéficier au maximum des progrès de la jeune apprentie :
plus elle deviendra experte
plus ses dentelles seront vendues chères.
Regardez le nombre de fuseaux de cette jeune apprentie dentellière belge de 16 ans !
Les contrats contiennent même des clauses de rupture,
ainsi Renée a pris la précaution de préciser que la mère des deux fillettes devra payer 300 livres si jamais elle retirais ses enfants avant le terme du contrat.
Et ne croyez pas qu'elles apprenaient la dentelle progressivement et tranquillement .
Il ne s'agissait pas de s'exercer à coup de petits échantillons comme on le fait aujourd'hui.
L'enfant devait réaliser à chaque fois des mètre et des mètres de dentelle.
C'était le cas même pour les dentelles d'apprentissage les plus basiques, ces petits lacets de moins de 10 fuseaux qui étaient utilisés comme engrelure.
ainsi en 1665, un contrat précise que la petite Hélaine Paulmier
sera logée, nourrie, couchée, chauffée pendant l'année où elle apprendra la dentelle,
ET ...
« .... elle sera tenue de commencer à travailler à six heures de matin de chacun jour
et quittera à huict heures du soir, hyver et esté »
gloups ...
ça fait quand même des bonnes journées
et sans RTT
Alors .... partant(e)s pour signer ?
Pour écrire cet articles j'ai pioché la majorité des informations dans ces deux ouvrages :
L'économie dentellière en région parisienne au XVIIe siècle par Béatrix de Buffévent 1984 . Un peu (beaucoup ) barbant à lire .... mais plein d'informations.
La dentelle D'Alençon. Recueil de textes du XVII au XXeme siècle. Archives départementales de l'Orne 2001
Et les images ?
oui, là je sais, y a comme un décalage : je vous parle de contrats du XVIIe ou XVIIIe siècle, et je vous montre des photos du siècle dernier.
Faut dire que j'ai pas trouvé une seule photo du XVIIe vi vi .... j'vous assure, pas une seule !
Se référer au numéro qui sont sur les photos et non à leur ordre d'apparition à l'écran
1 - Détail d'une cate postale ancienne : jeune dentellière de Haute Loire
2 - Détail d'une carte postale ancienne : Dentellières du Puy
3 - Détail d'une carte postale ancienne : jeunes dentellières argentanaises
4 - Détail d'une carte postale ancienne : Dentellières du Puy . Photo mise en scène bien sûr, ne croyez pas que les dentellières du Puy étaient si bien habillées et que leurs petites filles travaillaient avec des couronnes de fleurs dans les cheveux.
5 - Photo extraite du catalogue d'une extraordinaire exposition présentée en 2004-2005 Musées Royaux d'Art et d'Histoire de Bruxelles,
6 - une petite dentellière anglaise je n'ai pas retrouvé de qui est ce tableau, et où il se trouve ??
-
Dimanche d'automne triste et pluvieux ...
et si on s'offrait un petit bol de chicorée pour se réchauffer ?
Vous faites la grimace ?
c'est que vous n'avez pas encore vu la chicorée que j'allais vous offrir
Tadaaaaaam
La voici, la voilà
Avouez que vous tombez vous aussi sous le charme de cette chicorée
J'ai acheté cette jolie étiquette il y a peu de temps,
avec une vague impression de "déjà vu"
oui, cette dentellière, je la connais
ce carreau ... ces fuseaux ......
pourquoi ai-je l'impression de voir une dentellière normande ?
alors je fouille dans mes vieilles cartes,
et voilà,
je la retrouve ma belle dentellière normande.
Regardez,
c'est la même posture, la même position de la main,
le même châle imprimé sur l'épaule ,
et puis bien sûr le même carreau, les mêmes 4 paquets de fuseaux !
Je ne peux m'empêcher de penser que le dessinateur avait cette carte postale sous les yeux,
il a juste un peu embelli l'encolure et rajouté une coiffe en pyramide sur la tête (existe-t-il des coiffes du Nord de cette forme ?)
C'est quand même un comble !
Dans le Nord,
une région si riche en tradition dentellière,
aller chercher l'image d'une dentellière normande !
faut l'faire
-
Si vous vous y connaissez un peu en dentelle, vous savez sans doute que le terme
point
désigne une dentelle à l'aiguille,
tout indique donc que je vais vous parler
d'une dentelle à l'aiguille anglaise
pfffff trop facile
facile ..... mais faux !!!
car la dentelle a ceci de commun avec la grammaire française : elle est truffée d'exceptions et de pièges.
Et oui, si Point désigne généralement une dentelle à l'aiguille (Point d'Alençon, Point de Sedan ...) il y a des exceptions comme par exemple le Point de Paris entièrement travaillé aux fuseaux,
ou notre Point d'Angleterre
qui est en fait une dentelle mixte : fuseaux et aiguille.
Et, cerise sur le gâteau, ce n'est pas une dentelle anglaise .....
mais belge !
ah oui ?
et qu'est ce qu'elle vient faire l'Angleterre alors ?
Et bien, c'est au XVIIème et XVIIIème siècle qu'on commence à parler de "dentelle d'Angleterre", ou de "point d'Angleterre".
Dans une Angleterre qui interdisait l'importation de dentelles étrangères et où la contrebande battait son plein (clic), cette appellation était une sorte de ruse commerciale, censée permettre aux marchands anglais de vendre en toute tranquillité sur leur sol des dentelles importées.
Sous ce nom, on trouvera pendant ces deux siècles des dentelles aux techniques et aux styles très différents.
Vers 1850, les marchands de dentelles bruxellois reprirent ce nom pour une dentelle mixte qu'ils commercialisaient à l'époque.
Et aujourd'hui, quand on parle de Point d'Angleterre c'est à cette production du XIXème siècle qu'on fait référence.
Alors maintenant, voyons de plus près de quoi il s'agit.
L'impression générale d'abord : C'est une dentelle très fine, extrêmement légère, généralement très soigneusement travaillée avec un fil d'une grande finesse.
Les décors sont le plus souvent fleuris, comme sur cet exemple (hauteur 13cm)
mais on trouve aussi hélas assez souvent des compositions un peu mièvres, très répétitives,
ou au contraire plutôt chargées et lourdes comme sur l'exemple de droite.
Regardons la de plus près encore.
(taille réelle : 2,5 cm)
Les motifs sont réalisés aux fuseaux , en mat (point violet) ou grille (point vert)
et parfois cernés d'un fin cordonnet (flèche jaune).
Pour les non dentellières, sachez que la dentelle aux fuseaux, c'est du tissage .
Et si vous regardez le motif en très gros plan, que voyez-vous au niveau des points violets ?
du tissage ... genre vieux torchon usagé
Et bien si vous voyez des motifs avec des parties genre vieux torchon usagé,
c'est que vous regardez de la fine dentelle aux fuseaux
.... voui ... c'est pas flatteur, mais c'est comme ça.
Et le fil plus épais qui entoure le motif est ce qu'on appelle le cordonnet.
Les motifs sont rehaussés de parties en relief, elles aussi faites aux fuseaux.
Ces reliefs sont réalisés en lacet contour (flèche orange)
ou avec la technique de la botte de fils (flèche rose)
Grande particularité du Point d'Angleterre :
Les motifs aux fuseaux sont ensuite reliés entre eux par un réseau
point de gaze
réalisé à l'aiguille (point jaune).
Je vous avais proposé il y a quelques temps un exercice de reconnaissance de ce point à l'aiguille (clic)
Vous remarquerez au passage sur cette photo qu'il n'y a pas de cordonnet autour du motif.
La présence du cordonnet n'est pas systématique.
et enfin, au niveau des points bleus sur les photos, un autre élément très caractéristique du Point d'Angleterre :
ce sont ces ornements à l'aiguilles, si fins et si décoratifs,
appelés " fonages " (*).
Dans beaucoup de Points d'Angleterre, on retrouve des fonages en formes de roues, des ribambelles de roues à l'aiguille,
Cette dentelle fine et délicate était surtout utilisée pour des mouchoirs, des accessoires de vêtements comme ce bonnet de mariée, etc
généralement donc des articles de petites dimensions.
En regardant ce bonnet, en se rend bien compte que le Point d'Angleterre, si on ne le regarde pas en détail, peut très facilement être confondu avec la Duchesse de Bruxelles, le Point de gaze, l'application d'Angleterre etc.
Et oui, il est très difficile de s'y retrouver dans toutes ces dentelles bruxelloises, d'autant qu'elles se ressemblent beaucoup avec leurs motifs floraux très chargés, selon les goûts du second empire.
Mais en les examinant en détail, on arrive facilement à les différencier.
Ainsi, aujourd'hui,
si vous avez eu le courage de tout lire,
je suis sûre que vous saurez sans hésiter reconnaître
un Point d'Angleterre.
(*)
Quand vous regardez une longue bande de Point d'Angleterre, ne croyez pas que c'était l'oeuvre d'une seule dentellière aux mille talents, capable de manier les fuseaux comme l'aiguille.
Non,non : il y avait la dentellière aux fuseaux qui réalisait les motifs ...
et même généralement plusieurs dentellières aux fuseaux : sur une même bande de dentelle, vous pouvez avoir des motifs réalisés par différentes dentellières, ce qui permettait de réaliser un long métrage plus vite.
Ensuite les motifs étaient reliés entre eux par des dentellières à l'aiguille qui réalisaient le réseau en point de gaze.
Et enfin les fonages étaient travaillés par des dentellières à l'aiguille particulièrement expertes et habiles : les foneuses .
Références des images numérotées.
1 - bonnet de mariée fin XIXème - Musée du costume et de la dentelle de Bruxelles
2 - Volant - Royal Albert Memorial Museum
3 - Volant début XXème - Musée du costume et de la dentelle de Bruxelles
Mes sources pour cet article :
L'Europe en dentelle de Martine Bruggeman
La dentelle de Bruxelles dans les collections des Musées de la ville. Publication du Musée de la dentelle et du costume de Bruxelles.
La dentelle et la broderie sur Tulle de Pierre Verhaegen