• Il y a quelques jours, je feuilletais des albums photos de dentelle, et je suis tombée sur celles d'une exposition qui a eu lieu à Oudennarde, lors du congrès OIDFA de 1998 en Belgique.

    Dans cette exposition, il y avait ce splendide voile de mariée en application de Bruxelles.



    Vraiment splendide, spectaculaire, une merveille, n'est-ce pas ?


    Et bien je vais vous dire .... je ne m'en souviens pas du tout !!!!

    J'ai même vérifié au dos de la photo, il y a bien écrit "Oudenaarde 1998"  
    mais ... ... non, aucun souvenir


    Le seul souvenir que j'ai de cette exposition, c'est une large dentelle , de "race" indéterminée :  désignée sur l'étiquette comme étant de la "dentelle de Bruges".

    Une dentelle grossière, au dessin maladroit et naïf, en gros fil, sans aucune composition !!
    mais je m'en souviens comme si c'était hier, je sais exactement dans quelle pièce, dans quelle vitrine elle était.























    Oui, à chaque fois que je feuillette cet album, c'est avec beaucoup de plaisir et un grand sourire complice que je retrouve ce noble cerf  et ce charmant petit éléphant .










    Et oui, comme quoi une dentelle parfaite peut devenir une dentelle ... ordinaire, quasi mécanique


     Et une dentelle ordinaire, à la composition fantaisiste, à l’exécution maladroite, peut devenir …. une pièce unique, "humaine" !!!!







  • Oui, évidemment, si je vous montre cette dentelle et que le titre du billet et "Dentelle de Beveren", vous vous dites que ça doit être ... une dentelle de Beveren.

    Hé hé, ça prouve que vous n'êtes pas bêtes ! 



    Maintenant, je vous prête mon compte fil pour que vous puissiez voir le détail, notamment le réseau,

    Ce fond à mailles hexagonales constituées de croisement de deux pairesqui sont ensuite tordues 3 fois, vous l'avez déjà vu dans  un article précédent ( ici) et je vous avais dit que ce fond était celui de la dentelle  ...  de Lille.

    Ah ben alors ????       faut savoir !!!!!     Lille ou Beveren  ? 



    En fait j'aurais dû dire que c'est le fond des dentelles genre Lille.
    C'est ce qu'on appelle le "fond clair" qu'on retrouve dans plusieurs autres dentelles.




    En effet, la dentelle de Lille a essaimé un peu partout en Europe, donnant naissance à la  Bucks en Angleterre, la Tonder au Danemark, la Beveren en Belgique .... et d'autres.

    Chacune de ces filles de la dentelle de Lille a développé ses petites particularités aussi bien au niveau des motifs que de la technique.


    On retrouve dans la Beveren plusieurs points caractéristiques des dentelles à fond clair en général :

    La maille hexagonale du fond clair bien sûr.
    Un semé de petits points d'esprit carrés dans le fond (sur les dentelles de Beveren, les points d'esprits sont disposés de façon régulière sur toute la hauteur de la dentelle).
    Les motifs en mat, cernés d'un cordon plus gros que le fil de la dentelle. Vous remarquerez que dans la Beveren, on retrouve aussi le cordon autour des ajours au milieu des mats  .
    L'utilisation de quelques points fantaisie. Surtout le "fond vitré" (= fond à la rose) que vous voyez dans le coeur et les pétales des grosses fleurs sur la première photo.


    Mais il y a trois choses qui différencient bien la Beveren de ses soeurs :
    Tout d'abord, le motif : une répétition de gros bouquets qui occupent toute la hauteur de la dentelle.
    Il faut bien avouer que la plupart du temps la composition est assez sommaire et assez lourde , mais, comme vous le verrez plus bas, ces motifs sont finalement très décoratifs et très bien adaptés à l'usage qui en était fait.

    Vous verrez aussi pratiquement tout le temps un motif de "plume" .
    Il s'agit plutôt d'une feuille très allongée et qui est souvent décorée d'une ou deux rangées d'ajours.
    Le deuxième élément très reconnaissable est le bord droit et picoté (indiqué par une flèche rouge sur la photo en gros plan) : il est constitué d'un petit mat étroit avec un cordon de chaque côté.
    enfin,  si vous prenez votre compte fil, vous découvrirez le "secret", le petit détail technique qui vous dénonce une Beveren à coup sûr :  les poses d'épingles ne sont pas à l'intérieur du motif comme pour les autres dentelles de la même famille, mais à l'extérieur.

    Sur  le gros plan, j'ai marqué la place de quelques épingles avec un point orange.
    On voit qu'à chaque liaison, à chaque entrée ou sortie de paire, les voyageurs sortent du motif, pour y revenir après avoir été maintenus par l'épingle.
    Ces petites bouclettes en bordure extérieure des motifs sont vraiment très particulières à la Beveren.




    Les dentelles de Beveren sont souvent des dentelles larges, en fil plutôt gros pour du fond clair.

    Mais on peut en trouver aussi de beaucoup plus fines comme sur cette photo.













    La plupart des dentelles de Beveren étaient vendues en Hollande pour border les bords des coiffes, au point qu'on appelait souvent cette dentelle  "Dutsche slag" = Point de Hollande.

    Avant de travailler le fond clair, les dentellières de la région d'Anvers (dont Beveren) faisaient déjà des dentelles pour les coiffes hollandaises, des dentelles parfois appelées "Pottekant" à cause de leur motif récurrent de vase fleuri.
    Ce sont ces mêmes bouquets qui seront réalisés sur fond clair vers 1820-1830, avec cependant une petite évolution : en effet, les motifs de la Beveren vont aussi beaucoup s'inspirer des impressions cachemire très à la mode à cette époque.

    Comme je le disais, quand on regarde la Beveren hors de son contexte, on a tendance à voir une large dentelle, en fil assez gros,  aux motifs plutôt lourds.

    Mais avouez qu'en fait, elle est merveilleusement adaptée au bord de cette coiffe hollandaise.
     Elle devient somptueuse quand elle est dans son élément, non ?.



     




    Et pour celles qui ont posé une question sur le picot : le voici !!!!!!!   


  •  




    Qu'est-ce que c'est ?

    Un rayon de soleil sur une feuille de rose trémière qui pousse près de ma porte d'entrée, et sur laquelle je réalise des dentelles contemporaines expérimentales,  en essayant d'utiliser au mieux le sens artistique et la grande créativité des escargots.


    Non non, s'il vous plaît, ne riez pas, c'est une expérience des plus sérieuse.

    D'ailleurs la très sérieuse Madame Bury Palisser, dans son très sérieux ouvrage sur l' Histoire de la dentelle paru en 1890 (*) nous parle d'une expérience similaire réalisée en Allemagne, mais avec des chenilles.

    Voici en résumé ce qu'elle nous apprend à propos de la technique employée pour obtenir ce que j'appelle la "dentelle des chenilles".

    Sur une surface lisse, comme une pierre par exemple, on étale une fine couche de pâte faite de plantes dont les chenilles sont friandes.
    Aux endroits où on doit avoir les trous, on passe de l'huile d'olive au pinceau. Ainsi seul le motif de la future dentelle n'est pas recouvert d'huile.
    Puis ... on lâche les chenilles ... qui évitent soigneusement les endroits recouverts d'huile, et dévorent avidement la pâte en laissant derrière elles un voile de soie.


    Ça doit être superbe, non ?

    Je vous sens dubitatifs et dubitatives ... vous n'y croyez pas ?

    Et bien pour tout vous dire, quand je lis Mme Bury Palliser j'ai l'impression qu'elle n'y croit pas non plus, et ça m'attriste.





    Car moi, je sais qu'elle existe cette dentelle des chenilles, et je vais vous le prouver.

    Pour vous, rien que pour vous, et en
    exclusivité mondiale, je vous offre une photo rarissime de

    Boulotte, maîtresse dentellière en mon jardin,
    qui a eu la grande gentillesse de nous présenter une de ses dernières créations.








    Merci , un grand grand merci ma Boulotte,

    c'est vraiment MAGNIFIQUE, je ne trouve pas d'autre mot !




    Alors ..... convaincu(e)s ? 
    non  ?




    Bon d'accord ...  elle est peut être pas vraie cette histoire ... mais elle est jolie.
    Comme disent les italiens "se non è vero, è ben trovato !"

    Et puis maintenant, à chaque fois que je vois des chenilles ou des escargots dévorer mon jardin, je regarde le désastre avec amusement et philosophie,  en pensant à la "fabuleuse dentelle de chenilles".


    (*) je vous avais déjà donné les référence de ce livre de Mme Bury Palisser tout en bas de l'article sur les animaux dans la dentelle.
    J'ai des scrupules envers cette dame car, entre l'histoire des chiens et celles des chenilles, je ne vous ai cité que deux passages anecdotiques et amusants de son ouvrage, alors qu'il s'agit d'une étude tout à fait sérieuse et passionnante que je vous conseille.
    C'est un ouvrage ancien, très beau en plus, mais qu'on ne trouve que rarement .... peut être dans quelques bliothèques ???

  •     

     

     

    Voici un dessin de Gondolier en dentelle à fils coupés que j'avais fait pour une exposition dont le thème était ...
    devinez quoi ....
     Venise !

     


    Oui mais voilà, une fois le dessin terminé, j'ai trouvé qu'il avait un faux air de dessin à la Martine Bruggeman.

     

    Du coup je ne l'ai pas réalisé et je sens que je ne vais jamais le faire.

    Non pas que je n'aime pas les dessins de Martine Bruggeman, au contraire, j'admire son coup de crayon (en plus de son extraordinaire culture dentellière), et j'ai dentelé plusieurs de ses modèles avec beaucoup de plaisir.

     

    Mais maintenant, j'ai envie de denteler "mes dessins", dans "mon" style ... heu ... si tant est que j'en ai un ...

     

    Comme je n'aime pas diffuser les dessins que je n'ai pas moi même réalisés avant (ce qui me permet de corriger, simplifier, adapter ...) ce petit gondolier dort depuis 3 ou 4 ans dans un classeur.

     

    Alors si quelqu'un veut l'adopter, il suffit de cliquer sur l'image pour avoir le carton

     

    La seul condition est que si vous le réalisez un jour .... je serais contente de reçevoir une petite photo (je dis bien "si un jour",  car je sais ce que c'est que d'avoir des tas de modèles en réserve .... qu'on n'a jamais le temps de faire !)

     

    Il est en format A4 et a été dessiné pour être réalisé avec 1 brin de cordonnet DMC 6 fils, mais si vous l'adoptez, vous serez libre bien sûr de le réaliser comme ça vous chante.

     

     

     

    Rien à voir avec le gondolier, mais puisque  j'ai parlé de Martine Bruggeman, j'en profite pour vous montrer un serpent que j'avais réalisé à partir d'un de ses dessins.


    A l'époque, j'avais décide de faire un tryptique des animaux "mal aimés".
     Il y avait ce serpent, un très beau dessin de rat (oui oui, un rat ! ) devant une sorte de vitrail ... et puis le troisième, ... je ne sais plus ce que c'était .... bon, va falloir que je pense à prendre des vitamines pour la mémoire moi !!!






    Bonne semaine à toutes et tous





    Rajout :



    Oui, je n'ai pas pensé que tout le monde ne connaissait pas forcément Martine Bruggeman.
    Alors :
    - si vous êtes abonnées à la revue "La dentelle", il y a un dessin d'elle dans chaque numéro depuis quelques années.
    -si vous êtes abonnées à la revue "Kant", il y a un dessin d'elle dans chaque numéro depuis ... la nuit des temps!
    - et sinon, merci Marie qui m'a donné l'adresse du site de Martine Bruggeman,ICI  , site que  je ne connaissais pas et où j'ai découvert qu'elle faisait aussi de la peinture !!!