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    Larg : 5.5 cm   Haut : 8 cm   

    Nous sommes le 20 Mars, c'est le premier jour du Printemps, j'ai choisi de le fêter en vous présentant ce petit Troglodyte Mignon.

    Cet oiseau en dentelle de Valenciennes est très important pour moi : c'est ma première création.
    La première fois que je me suis prouvée qu'en partant d'une image dans un livre, je pouvais créer une dentelle.

    C'était  à l'occasion de mon dernier cours de Valenciennes. Le professeur a déposé devant nous une pile de livres  (pas des livres de dentelle !) , afin  que nous trouvions un motif pour réaliser un médaillon.
    Parmi eux, un livre sur l'identification des oiseaux de nos jardins : j'ai choisi le troglodyte !

    C'est donc un exercice, il y a des défauts ... mais j'en étais tellement fière : ma première création !!!

    Petit jeu : Il y a deux choses qui ne sont pas très conventionnelles pour une dentelle de Valenciennes. lesquelles  ? (réponse à la fin de l'article).

    La dentelle de Valenciennes a un réseau composé de tresses.
    C'est à dire que chaque côté des petits losanges du fond est constitué d'une tresse de 4 fils.
    Pour la Valenciennes, si fine et légère, je préfère employer le mot  "tresse" plutôt que le mot "corde" généralement utilisé en France, mais que je trouve plus adapté au Cluny.
    Mais techniquement, corde et tresse, c'est exactement la même chose.


    Cette dentelle a été réalisée en  Coton Égyptien 120/2.
    Un fil fin + un réseau de tresses =  beaucoup de fuseaux pour faire de la Valenciennes !
    Pour ce médaillon de 5.5 cm de large (la photo est un agrandissement), il a fallu entre 180 et 200 fuseaux d'après mes souvenirs.
    (Ce n'est pas un problème : plus j'ai de fuseaux devant moi, plus j'aime !!)



    Les deux libertés prises avec la Valenciennes traditionnelle :
        1 - Le motif : ce sont toujours des fleurs qu'on trouve dans la Valenciennes, pas d'animaux .
         2 - L'utilisation d'un peu de grille dans l'aile de l'oiseau, rarissime en Valenciennes dont les motifs sont normalement uniquement travaillés en toilé (mat).


    Le Troglodyte Mignon est un des plus petits oiseaux de nos jardins, mais c'est aussi le plus vif, le plus fier !
    Il faut l'entendre chanter : ce n'est pas un chant très joli, mais on se demande comment un si petit oiseau (environ 9 g) peut avoir une voix aussi éclatante et puissante.

    Et puis il a a une petite particularité charmante que je vais vous raconter :
    Au mois de Mars, chaque mâle construit plusieurs nids sur son territoire, ce sont des boules de mousse avec une toute petite ouverture latérale. Il fait juste le gros oeuvre, pas du tout l'aménagement intérieur.

    Madame Troglodyte, en se promenant, entre sur le territoire d'un des ces messieurs.
    Ce dernier lui fait alors visiter tous ses nids en espérant que Madame va en trouver un à son goût.
    Hélas, elle peut les trouver mal faits ou mal placés, elle passe alors son chemin et entre sur le territoire d'un autre Monsieur Troglodyte qui s'empresse à son tour de jouer les agents immobiliers.

    Quand finalement Madame trouve le nid de ses rêves, elle en prend alors possession  (à la grande joie du propriétaire bâtisseur) et c'est Madame, exclusivement, qui se charge de l'aménagement intérieur en le tapissant de plumes et duvets douillets pour accueillir leur heureuse progéniture.

    C'est pas une jolie histoire pour commencer le printemps, çà ?







  • Larg : 14 cm
     

    Vous vous demandez sans doute pourquoi je vous montre ce vieux "truc" bleu  tout usé ?

    Et bien parce que dans ma "boîte à p'tits bouts de dentelles", c'est un des plus précieux à mes yeux : il s'agit d'un ancêtre de la dentelle : le Buratto.


    Bien qu'il s'agisse plutôt d'une broderie sur un support pré-existant, le Burrato est généralement classé parmi les dentelles  car il fait partie de son histoire, il en est à l'origine comme le filet, le point coupé, le fil tiré, le fil écarté, etc.


    A première vue, on peut confondre le buratto avec le filet brodé. La technique de broderie est exactement la même :point de reprise ou point de toile(*), les motifs sont les mêmes : enroulements  renaissance comme sur la photo, personnages, scènes de chasses,  animaux réels ou imaginaires,etc, mais le support est différent.

     

    Le buratto est travaillé sur une toile tissée comme la gaze: c'est à dire que les fils de chaines sont tordus 2 à 2 à chaque passages (en inversant les torsions), tenant ainsi les fils de trame écartés et donnant au final une sorte de canevas ajouré.

    Sur la photo (fort grossissement), on voit bien les fils de trame toujours droits.
    Et les fils de chaînes tordus 2 à 2  avec les torsions inversées à chaque passage.


    Cette toile était à l'origine utilitaire (son nom vient du latin Bura = étoffe grossière) et pouvait servir par exemple à égoutter le fromage. Mais elle fut ensuite tissées plus finement, généralement en lin blanc (ou en chanvre) puis brodée en soie polychrome ou simplement en fil de lin  (de la même couleur que la toile, ou d'une couleur contrastée) .




    Même si on trouve au Buratto un aspect grossier aujourd'hui, il faut savoir qu'il fût très apprécié, au point d'avoir l'honneur de décorer le bonnet de Charles Quint , et pas n'importe quel bonnet : le bonnet sur lequel était posé sa couronne !!!
    Vous pourrez admirer ce bonnet en  cliquant  ICI

     

    Le morceau de Buratto photographié au début de cet article est brodé (en blanc) au point de reprise sur un lin bleu, ce qui etait peu courant car le lin prenait mal la couleur, on préférait donc au contraire le blanchir.

    Il présente un motif typique Renaissance ... mais il est cependant impossible de le dater. En effet, très prisé à la fin du XVIème, le Buratto fut peu à peu oublié, puis la technique fut reprise au milieu du XIXème, essentiellement en Sicile et en Sardaigne d'où elle est originaire.

    La production du XIXème et du XXème a copié fidèlement les motifs du XVIème ...  rendant délicates les datations. 

    En plus de l'Italie, le Buratto a aussi été fait au Pérou, propagé par les missionnaires. On peut donc retrouver des motifs sud américains sur certains Buratto.

    Pour voir d'autres exemples de Buratto :
    cliquez    ICI  pour voir 2 rectangles avec un motif de griffon, ou bien ICI   pour voir des paons.

    Vous pouvez aussi voir de nombreuses photos de Buratto dans le livret de Mick Fouriscot "Le secret des dentelles Volume 1", aux éditions Carpentier.



    (*) Voici la différence entre le point de reprise et le point de Toile
    A gauche, le Point de reprise : des points tissés dans un seul sens
    A Droite, le Point de toile : Des points tissées dans les deux sens

    Vous trouverez une illustration très parlante de la différence entre ces deux points avec la photo de deux petites fleurs en filet brodé  (voir lien plus bas)
    J'ai trouvé ces deux petites fleurs sur le magnifique blog d'Adriana sur la dentelle Randa : c'est ainsi qu'on nomme le filet brodé en Argentine.
    Puisque vous serez sur ce blog, profitez en pour le visiter, découvrir le Randa et admirer les réalisations spectaculaires d'Adriana.

                               Lien sur la photo des fleurs en point de reprise et point de toile  
    ICI
                               Lien sur la page d'accueil du blog d'Adriana  ICI





  • Je suis toujours désolée quand, dans des revues ou des livres de dentelle dont le sérieux n'est pas à contester, je vois ce genre de chose dans des dentelles Torchon:


    Pourquoi diable les deux mats ne sont-ils pas identiques ?
    pourquoi celui de gauche est-il moins rempli que celui de droite ?
    parceque qu'il  n'est pas travaillé dans le bon sens

    Je me souviens, quand je découvrais la dentelle, avoir demandé quand je commençais un mat : "de quel côté faut-il aller avec les voyageurs ?".
    On me répondait : "ça n'a pas d'importance".
    S'il s'agit d'un carré en mat, ou d'un mat très large, effectivement cela n'a pas trop d'importance.
    Par contre s'il s'agit d'un mat étroit comme sur notre exemple, c'est important.



    Regardons d'abord le mat de droite.

    Il a été démarré vers la droite.
    On voit bien sur le schéma que dans un mat les voyageurs zigzaguent d'une épingle à l'autre, et sont alternativement en biais et à l'horizontale.

    Quand le mat est à l'horizontale, il va de l'épingle E vers l'épingle S.
              A l'épingle E, on entre une paire
              A l'épingle S, on sort une paire.
    Donc quand mes voyageurs sont à l'horizontale, j'entre une paire avant de sortir une paire.

    Ainsi, mon mat sera bien rempli. Il contient le maximum de paires passives possible.






    Regardons maintenant ce qui a été fait avec le mat de gauche.
    La dentellière a démarré son mat du même côté que le précédent.

    Donc, les voyageurs vont dans le même sens, mais comme le mat penche en sens inverse, on sort une paire avant d'en entrer une autre

    On a ainsi une paire passive de moins dans ce mat que dans le mat précédent --> il est donc moins rempli.

    (plus le mat est étroit, plus la différence sera visible)







    Si la dentellière avait démarré son mat de l'autre côté,  elle aurait fait ses entrées avant ses sorties, et donc le mat de gauche aurait été bien rempli et identique au mat de droite


    Encore faut-il connaître la règle :
    Dans la dentelle Torchon, quand les voyageurs sont à l'horizontale à un niveau où on a une entrée et une sortie sur la même ligne, les voyageurs doivent aller de l'entrée vers la sortie.


    (il s'agit de la règle pour la dentelle Tochon, mais elle peut être différente pour d'autres dentelles)




    Cette règle est la même pour la grille, même si la différence est moins perceptible en grille.
    Ainsi sur l'exemple qui suit, on remarque que la grille est bien remplie au début, puis qu'elle change de sens (sans que les voyageurs ne changent de sens) et on remarque que la deuxième partie est plus légère.
    La sortie des paires du coup n'est pas très belle, on voit de grandes barrettes un peu lâches, un peu molles.



    Et oui, si votre mat change de sens, il faut aussi que vos voyageurs changent de sens.

    Il y a des techniques pour cela, et si vous êtes intéressé(e)s, elles pourront faire l'objet d'un prochain article.



    (C'est le premier article de la catégorie "Techniques", et je profite de ce premier article pour faire passer un petit message personnel, pour remercier Mesdames CVS et MACB qui ne m'ont pas "appris" la dentelle, mais qui me l'ont "expliquée".  Elles ne m'ont pas dit "comment" il fallait faire, elles m'ont expliqué "pourquoi" il fallait faire de telle ou telle façon. Deux grandes dentellières que je remercie infiniment)





  • Voici une coupe persane  en céramique de Nishapur (Iran - Xème siècle)




















    Et le même oiseau ... en dentelle  (diam 18.5 cm)

     
    L'oiseau est fait en lin bockens 60/2.
    Le problème quand on veut utiliser des couleurs, c'est qu'il faudrait avoir toutes les couleurs sous la main, dans plusieurs marques, dans toutes les grosseurs, afin d'être sûre d'avoir la couleur voulue au bon moment,  car hélas les merceries en France n'ont pas de lin pour dentelle.

    Par facilité, j'ai opté pour la gamme des couleurs Bockens. Comme elle n'est pas très étendue, et comme certaines couleurs sont un peu criardes, je compose mes couleurs en mélangeant les fils.

    J'ai un peu triché pour cette dentelle. Je voulais utiliser une grosse cordelière brillante noire (on voit peu le relief sur la photo), mais si je la travaillais comme on travaille normalement le cordon, c'est à dire en même temps que la dentelle, elle était un peu écrasée et déformée.
    Le motif est donc entouré d'un étroit mat noir, relié à l'oiseau par des fausses tresses. Et j'ai cousu la cordelière dessus ... c'est pas très conventionnel mais tant pis.

    Les mouchetures à l'intérieur des ailes du modèle original m'ont tout de suite aiguillées vers l'utilisation d'un fond "gros flocons de neige".
    L'oeil de l'oiseau est aussi un flocon de neige.









  • Vous êtes sûrement très nombreuses à connaître le Musée de la dentelle de Retournac.


    Vous le connaissez sans doute au moins pour ses pochettes de modèles anciens : de superbes modèles, une mise en carte parfaite, avec au dos l'histoire du modèle, son origine,  le tout très joliment présenté .






    (Photo Musée de Retournac)


    Mais Retournac, c'est d'abord un Musée abrité dans deux anciennes manufactures de dentelle,
    Ce sont des collections de dentelles, de dessins, d'outils, de métiers à dentelles mécaniques, etc.
    C'est la préservation des techniques, du savoir faire, de la mémoire de l'industrie dentellière.
    Ce sont aussi des cours, des démonstrations, des colloques, des publications ...




    J'ai découvert le travail de recherche de l'équipe de Retournac à partir d'une de leur publication : "Rose Ouilhon, leveuse de dentelle".
    Je ne résiste pas à l'envie de vous en parler tellement la lecture de cet ouvrage a été un vrai moment de bonheur.
    J'ai réalisé  tout d'un coup que l'industrie dentellière, ce n'était pas de la préhistoire, c'était hier, elle est encore toute chaude !
    Une des dernières leveuses de dentelles faisait sa tournée ... en moto !!!

    Un délice ce petit livre : on apprend beaucoup, on est touché (et on ri souvent) devant tous les témoignages, les objets, les documents présentés.




    Si vous ne connaissez pas le Musée de Retournac, si vous voulez voir leurs nombreuses activités, et toutes les merveilles qu'ils nous proposent,

    allez visiter leur très joli site    ici 



    Mais personnellement, ce que j'admire le plus dans le travail de l'équipe de Retournac, c'est qu'ils ne sont pas uniquement les conservateurs de la dentelle ancienne : ils  ont une formidable énergie qui permet à la dentelle de rayonner, de s'exprimer de mille façons, de tisser des liens avec d'autres pays, d'autres artistes.
    Ils accueillent à bras ouverts la dentelle actuelle, la dentelle moderne, à travers de superbes expositions d'art contemporain

    Admirez par exemples ce qui est présenté dans ce document :  ici
    (Avez vous vu la boite d'insectes en fil électrique ?)


    Vous avez  tout vu ? la dentelle ancienne ? la dentelle contemporaine ?
    Alors je suis tranquille, vous venez de passer un très bon moment !

    Mais sachez maintenant que tout ce travail est en danger.
    Oui, si je vous en parle aujourd'hui, c'est parce que je viens d'apprendre que cette formidable aventure, toutes ces recherches, ces projets, risquaient d'être stoppés, faute de financement.

    J'espère que tous les intervenants trouveront une solution, qu'ils se rendront compte de la chance qu'ils ont d'avoir un tel patrimoine, et un patrimoine si intelligemment mis en valeur.

     (Pour plus d'explications sur la situation, vous pouvez regarder l'édition de France 3 du mercredi 4 mars en cliquant   ici  -  début du reportage à 2mn45  )



    Ce petit article n'a d'autre but que d'apporter mon modeste soutien à l'équipe du Musée, de clamer haut et fort combien j'apprécie tout ce qu'ils font, et combien je compte continuer à en profiter !

    N'hésitez pas à leur apporter votre soutien à l'adresse mail suivante :
    musee@ville-retournac.fr


    (photo Musée de Retournac)