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    singe-des-flandres-1

     

     

    Oui, c'est une terrible nouvelle

       

     

    non non, ce n'est pas à cause de la pollution, de la déforestation ou du réchauffement de la planète,

    c'est à cause de l'industrialisation

     

    Car le singe des Flandres, ce n'est pas celui là, la haut,

    (là haut, c'est un singe japonais qui va très bien)

     

     

    Je vous parle de celui ci, en bas

     

      singe-des-flandres-2

     

    Vous ne voyez pas de singe sur cette dentelle ?

    Je vous rassure, j'ai mis très longtemps à le voir moi aussi.

     

     

    singe-des-flandres-3  

     

     

     

    Les dentellières de la fin XIXème et du début XXème faisaient des mètres et des mètres de petits galons sans grand intérêt pour gagner leur vie, sous la pression de la dentelle mécanique.

     

    A tous ces petits motifs qu'on retrouvait régulièrement, elles donnaient un nom.

    Il y avait par exemple le Chapeau de curé, les Lunettes, l'oeil de poisson, etc.

     

    Et à ce motif très fréquent et très célèbre dans les petites dentelles de Flandre,

    on donnait le nom de Singe.

     

     

     

     

     

      singe-des-flandres-4

     

     

     

     

     

     

     

     

    Alors si, comme moi vous avez du mal à visualiser ce fameux singe, je vous propose de regarder ce dessin.

     

     

    Martine Bruggeman s'était amusée il y a quelques années à faire un petit prospectus sur lequel elle avait dessiné à sa façon quelques uns des motifs traditionnels des dentelles flamandes. 

     

    Et maintenant, grace à elle, je vois enfin le fameux

    Singe de la dentelle de Flandre.

     

     

    Mais, pour en revenir au début de cet article,

    il faut bien avouer que ce pauvre petit singe flamand a pratiquement disparu, terrassé par l'industrie de la dentelle.

    car les dentellières amateurs actuelles ont envie de travailler des motifs plus .... élaborés ....

    ça s'comprend  

     

    Bon week end  à toutes et tous


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    Josephus-Laurentius-Dyckman


     
    Soyeux courageux, je me lance dans un des articles fleuve dont j’ai le secret.
     
     

    Toute dentellière qui commence le Flandre pleure toutes les larmes de son corps devant ses premiers mats :

     
    Y a des troooooous 

        

      

    Mat-Flandre-6r

     


     

    C’est surtout vrai pour nous, les françaises, élevées au Cluny depuis notre plus tendre enfance dentellière.
    Depuis nos tous premiers exercices, on nous a seriné :
    Faut tirer ...  Faut serrer
    Serre bien tes cordes   
    serre ton mat , il faut qu’il soit dense
     

    C’est le secret pour avoir un beau Cluny,

    mais le Flandre n’aime pas, mais alors pas du tout la manière forte ,

    il  demande une main légère qui effleure les fuseaux,

    et ça, pour nous, c’est très dur.

     

     

    Et oui, nous avons des trous dans nos mats, au niveau des entrées et des sorties de paires, uniquement parce qu’on tire trop.

     

    Le diagnostic est très simple, mais il n'y a pas, hélas, de remède miracle.

     

     

    Pourquoi tous ces trous au bord de nos mats de Flandre ?


    A cause de la technique du changement de voyageurs aux entrées et aux sorties de paires.

     

     

    Mat-Flandre-1r

     

    Sur mon dessin, à droite du cordonnet en jaune, tout devrait être en violet puisqu’il s’agit d’un mat

      mais pour mieux me faire comprendre j’ai mis des couleurs fantaisistes.

    Mes voyageurs sont en violet foncé, on voit qu’ils traversent toutes les paires pendantes + les deux paires qui viennent de faire leur entrée : la orangée et la bleue.

     


     

    C’est la bleue qui devient les nouveaux voyageurs.
    Mes anciens voyageurs en violet foncé deviennent paire pendante,

    et pour l’instant ils forment un angle droit et sont bien collés au bord, près du cordonnet, ils remplissent bien l’espace … tout baigne.



    Mat-Flandre-2r Mais que va-t-il se passer quand  par la suite, je vais tirer sur mes paires pendantes pour égaliser mon mat ?


    Comme l’angle formé par mes anciens voyageurs n’est absolument pas soutenu, en tirant sur la paire violette,  je vais l’éloigner du bord, formant ainsi un énooooorme trou.


    Mat-Flandre-5r

     

     

     

    Même problème au niveau des sorties de paires, sauf que là, c’est le fait de tirer sur les nouveaux voyageurs qui provoque le trou.


     



     

     

     


    Alors qu’est-ce qu’on peut faire, docteur ?
     

    Et bien il y a plusieurs méthodes, les bonnes et les mauvaises !

     

    Aujourd’hui, je vais vous parler …. des mauvaises !!!!!!!!

     


    Et oui, bien que mauvaises, je vais quand même les évoquer ici, parce que ce sont les plus faciles à mettre en œuvre, et donc les plus souvent appliquées.
    Alors je profite de cet article …  pour les dénoncer.


    1ère mauvaise méthode : l’épingle de soutien

     

     

    Mat-Flandre-3r Puisque le problème vient du fait que l’angle formé par mes anciens voyageurs n’est pas soutenu, et bien on va mettre une épingle de soutien provisoire (*).
     

    Ca y est, maintenant je vais pouvoir tirer dessus tranquillement, elle ne pourra pas s’éloigner du cordonnet.

     


    Sauf que …

    si on enlève l'épingle trop tôt, on risque de tirer encore trop fort sur les anciens voyageurs, et de reformer ce satané trou.

     

    Si on l'enlève trop tard, on aura inévitablement un tout petit trou à son emplacement, et la paire violette formera un angle trop accentué, une sorte de petite bouclette disgracieuse.

     

     


    Mat-Flandre-4r 2ème mauvaise méthode : Faire une passée + une jetée (TC) quand on reprend sa rangée de mat.

     

    Quand les nouveaux voyageurs (en bleu) croisent la première paire pendante (orange), faire :

     C T C  +  T C  (au lieu du traditionnel C T C du mat)

     

     Ainsi, les nouveaux voyageurs seront constitué d'un "fil bleu" et d'un "fil orange", ce qui a pour effet de diviser par deux le risque de trou .

     

    Tirer sur la paire violette deformera toujours le mat, mais tirer sur la deuxième paire pendante (la orange et bleue) aura l'effet inverse, celui de rabattre la paire violette contre le cordonnet.

     

     Mais ce n’est pas parfait, cette jetée supplémentaire risque un peu de se voir, et puis encore une fois, si le risque est moindre, il existe quand même.

     

     


    3ème mauvaise méthode : utiliser un fil plus gros

    (ou diminuer le piquage)

     

    Ainsi le mat sera très serré naturellement au point qu'il n'y aura plus de place pour les trous en quelque sorte.

    Tout est tellement serré qu’on peut tirer …. plus rien ne bouge 

     

    On a alors un mat très dense, mais aussi un réseau très dense, tout le contraire du Flandre qui doit être une dentelle fine, légère et transparent.

     

     

     

     


    Vous me direz peut être que vous appliquez une de ces méthodes, et que vous la maîtrisez au point que le résultat est plus que convenable.
    C’est tout a fait possible, je ne le nie pas.


    Mais même si c’est le cas, je continue à trouver ces 3 méthodes peu satisfaisantes

    car elles n’ont d’autre but que de continuer à vous permettre de tirer en toute tranquillité,

    et ça, c’est contre nature pour le Flandre.



    La prochaine fois, nous parlerons des autres méthodes,

    plus longues,

    plus ingrates,

    celles qui demandent une rééducation de la main,

    celles qui demandent à ce qu’on change nos habitudes, notre matériel, 

    mais celles qui respectent la nature même du Flandre

    et nous donnent  par la suite plus de liberté.

     

     

    En attendant, regardez la dentellière de Josephus Laurentius Dyckmans  au début de cet article

    elle vous livre son secret

     

     

     

     

     

    (*) sur les dessins techniques, les épingles "ordinaires" sont représentées par un point noir, et les épingles provisoires par un petit cercle évidé


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    Musee-guimet-1-r  

     

     

      Là, vous voyez le Musée Guimet à Paris

    ...  arrangé à ma façon

         

    Mais en fait, je vais vous parler ... lessive

     

     

     

    Que faisait-on au XIXème siècle  pour avoir du linge plus blanc que blanc ?

     

    Et bien on le passait au bleu

    on l'azurait.

     

     

    C'est à dire qu'on le plongeait dans une eau dans laquelle on faisait dissoudre

    au préalable un peu de pigment bleu .

     

     

    Ce fut d'abord du pastel , très cher,

    qui fut remplacé par l'indigo, moins onéreux car importé d'Amérique où il était cultivé par les esclaves.

     

     

    Tout l'art était dans le dosage : il fallait bleuir légèrement le linge pour que, par effet d'optique, il paraisse plus blanc.

      Mais pas trop, car trop d'indigo dans cette eau pouvait au contraire le teindre en bleu

     

     

    On achetait le bleu en poudre, en boules, en plaquettes, en pastilles, etc.

    Dans tous les cas, il fallait le mettre dans un petit sac de mousseline que l'on agitait et pressait dans l'eau pour en extraire le colorant.

    Le sac en mousseline était indispensable pour qu'aucun petit morceau ne puisse s'échapper, menaçant de tacher le linge.

     

    Musee-guimet-4-r

     

     

    Il fallait replonger de temps en temps le petit sachet dans l'eau pour rajouter du bleu au fur et à mesure que le linge qu'on y trempait absorbait la couleur.

     

    D'autant que certains linges étaient plus gourmands que d'autres :

     "le linge neuf et celui de coton retiennent beaucoup plus de bleu

    que le vieux linge et celui de fil"  (*)

     

    Il fallait aussi veiller à bien essorer le linge et l'étendre aussitôt pour éviter une accumulation d'eau dans les plis qui pouvait laisser des traînées bleues en séchant.

     

     

     

     

     

     

     

    C'est bien joli tout ça, mais quel rapport avec le musée Guimet ?

     

    Et bien il y a un homme qui fit fortune avec ce bleu qu'on trempait dans l'eau de rinçage,

    ce fût Jean-Baptiste Guimet

     

    Il découvrit en 1826 l'outremer artificiel, et mit ainsi sur le marché un bleu beaucoup moins onéreux que ceux utilisés jusque là.

     

    Ce fut l'invasion du Bleu Guimet

     

    Musee-guimet-2-r

     

    Jean-Baptiste eut un fils, Emile.

     

    Grâce à la fortune de papa, Emile fit de très nombreux et lointains voyages,

    en Egypte, en Grèce, en Inde, au Japon, en Chine, dans tous les pays d'Asie .... 

     

    Pour présenter au public la magnifique collection d'objets qu'il rapporta de ses voyages, il créa en 1879 un premier Musée Guimet à Lyon,

    puis il déménagea sa collection dans un autre Musée qu'il fit construire dans la capitale :  l'actuel  et célébrissime Musée Guimet de Paris.

     

    Emile Guimet ne se contenta pas de jouer au collectionneur, il reprit l'usine de son père à Fleurieu sur Saône dans la banlieue de Lyon.

     En 1878, cette usine employait eviron 150 ouvriers et produisait 100 tonnes de bleu ! 

     

     

    Et voilà pourquoi j'ai peint le Musée Guimet en bleu

     

    pour qu'on n'oublie pas que cette magnifique collection d'art asiatique doit son existence à toutes les petites ménagères et blanchisseuses qui azuraient leur linge avant de l'étendre dans les prés pour le faire sécher.

     

        Musee-guimet-3-r

     

     

     

    (*) Millet robinet : La Maison rustique des dames, Paris 1888

     

    Pour m'aider à rédiger ce petit billet, j'ai eu recours à :

    La Blanc, une invention choletaise - Elisabeth Loir-Mongazon - Musée du textile de Cholet

    Dans les armoires de nos grands-mères - Inès Heugel et christian Sarramon - Editions du Chêne

     






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