•  

    Rosine01 p450

     

     

    Et si je vous racontais une jolie histoire de dentellière ?

     

    une histoire pour enfant,

    parue dans un numéro de la revue Lisette, le 18 juillet 1948.

     

     

    Alors oubliez pendant quelques instants que vous êtes un adulte responsable,

    plein d'expérience de sagesse

    . . .  et de soucis

     

    et écoutez

     

     

    Il était une foisune modeste maison près du Puy, dans laquelle vivait une famille heureuse, celle de Jacques le bûcheron, sa femme Catherine, leur fille aînée Rosine et les deux petits jumeaux de six ans.

     

    Catherine s'occupait du ménage et des animaux, secondée par Rosine.

    Toutes les deux "étaient aussi, comme beaucoup de femmes d'Auvergne, de bien habiles dentellières",

    Elles travaillent sur leur carreau tous les soirs, et la vente de leurs dentelles, ajoutée aux bons gages de Jacques, permettait à a famille de vivre sans s'inquiéter du lendemain.

     

    Mais un jour, Jacques fit une chute mortelle, et malgré leur chagrin, nos deux dentellières durent travailleur sur leur carreau du matin jusqu'au soir car leur travail était devenu l'unique source de revenus de la famille.

    (et, même si la revue ne le dit pas, il est fort possible que les deux petits garçons se soient mis aussi à la dentelle, comme cela arrivait souvent dans ce cas)

     

      

    Le renom des deux dentellières était très grand, et par une belle journée de la fin mars, un carrosse s'arrêta devant la petite maison.

     

    En descendit Henriette de Valereuse, la fille d'un riche marquis de la région.

     

    Rosine03 p400

     

    Elle s'émerveilla du travail de nos deux dentellières et passa commande d'un grand châle qu'elle souhaitait impérativement avoir le 30 juin.

    Les deux femmes essayèrent en vain de lui dire que trois mois ne suffiraient pas,

    la belle Henriette ne voulut rien entendre,

    elle n'avait pas l'habitude qu'on lui résistât.

     

    Nos deux dentellière travaillèrent sans relâche, au point que Catherine, à la santé fragile, tomba gravement malade.

    Malgré tout son courage, Rosine ne put terminer le voile à temps.

    Le dernier jour de juin, portant son travail très avancé mais non terminé, elle arriva au château de Valereuse, pour demander encore quelques jours de délai.

     

    La réponse d'Henriette fut sans appel :

    "Et bien petite fille dit-elle d'un ton cassant, remporte ton travail,

    il me plaisait qu'il fut terminé ce jour;

    Je rentre demain au Puy où il ne manque pas d'habiles dentellières,

    et je saurai trouver un voile à mon goût"

     

     pfffffff  sale gosse 

     

     

    Rosine02 p300

     

     

     

     

    Pour ne pas inquiéter Catherine, Rosine lui fit croire qu'Henriette de Valereuse avait accepté,

    et elle termina seule le voile

     

    Elle le porta ensuite au Puy  pour tenter de le vendre chez son marchand habituel 

     

    Mais hélas, il refusa 

      "Crois tu que je vais acheter un voile que je ne vais jamais vendre ?

    Tache, si tu veux continuer de travailler avec moi, de me faire des travaux plus simples"

     

     

     

     

     

     

      

     

    Découragée et épuisée par tous ces jours sans sommeil, la pauvre petite trébuche en sortant du magasin, et s'écroule sur les pavés inégaux de la rue étroite, manquant de justesse de se faire écraser par un carrosse qui arrivait à toute allure.

     

    vous avez l'image de cet instant terrible sur la couverture de la revue.

     

    Ames sensibles s'abstenir

     

     

    Le marquis de Valereuse

     (ha ben voui, forcement, c'était le carrosse du marquis )

    dit à son cocher d'aller chercher la pauvre enfant.

     

    "Très bon, très paternel, il demanda à Rosine de lui conter son histoire."

     Par délicatesse Rosine ne prononça pas le nom d'Henriette.

     

    "cette dentelle, enfant, dit-il, je te l'achète. Je t'emmène chez moi et tu la remettras toi même à ma fille à qui je veux l'offrir; en échange, prends cette bourse, ta pauvre mère guérira et tes petits frères n'auront plus faim "

     

    bhou hou hou, je suis en larme, j'y croyais plus,

    quelle surprise !!!!

          

     

    La fin de l'histoire ?

     "Henriette dit à son père sa conduite honteuse vis à vis de la petite dentellière ... et promit de ne plus porter de dentelle qui ne soit sortie des mains de Rosine et de sa maman.... Grâce à elle la maison de Rosine abrita à nouveau des gens heureux, pleins de confiance en l'avenir" 

     

     

    FIN 

      guirlande_fleur.gif

     

     

    Après la publication du conte pour enfant espagnol La Puntaire,

    Mauricette m'a fait le très grand plaisir de m'offrir cette ancienne revue. 

    Alors à toi Mauricette, encore une fois,  un énoooooorme MERCI

     

     

      

     

     


  •  

    apprentie 4 p350

        

    Comment les petites dentellières

     des siècles passés

     

     apprenaient-elles leur métier ?

         

    Avec leur maman, leur tante, leur grand mère ?

    oui certainement, mais de cet apprentissage familial, nous ne savons pas grand chose.

     

       

    Parfois on passait un accord avec la voisine dentellière, qui se chargeait d'enseigner ce qu'elle savait à la petite fille, moyennant finance ou compensation en nature, mais de ça aussi nous n'avons pas trace, sauf ....

     

     

     

     

    sauf si les deux parties avaient eu la bonne idée d'établir un véritable contrat qui va arriver jusqu'à nous.

     

    Ainsi ce boucher d'Alençon qui va demander à deux veuves, deux dentellières à l'aiguille, de prendre sa fille Catherine en apprentissage, charge à lui de fournir le matériel nécessaire, et de donner en contrepartie aux deux veuves un morceau de viande de 4 sols tous les samedis.

     

       

     

     

    Il y avait aussi l'apprentissage collectif par les manufactures royales qui se sont chargées de former leurs dentellières, ou par les nombreuses oeuvres de charité qui avaient pour but d'enseigner aux jeunes fille un « métier honnête ».

     

     

    Mais très souvent, les familles plaçaient leur petits filles

    en apprentissage ,

    chez des dentellières, ou, généralement chez des marchants,

    en établissant un contrat en bonne et due forme.

     

    On a ainsi pu retrouver nombre de ces contrats, dont certains datent du XVIIeme siècle,

     des« baux de services » d'enfants,

    des « baux à titre de nourriture et entretenement », etc.

     

     

    apprentie 3 p400

     

     

    Que nous racontent ces contrats ?

       

    Que les enfants avaient généralement entre 7 et 12 ans à la signature,

    que la durée moyenne du contrat était de 6 ans.

    Beaucoup quittaient l'apprentissage vers l'âge de 18 ans, pour s'établir.

     

    Le bailleur ne verse habituellement pas d'argent au maître d'apprentissage

    (sauf dans le cas de contrats de courte durée, surtout en ville),

     

    au contraire, c'est le maître d'apprentissage qui pend à sa charge le logement, la nourriture et l'entretien du linge  de l'enfant

    « quéry ses vivres, fourny feu, lict et chandelle ».

     

     

      apprentie 5 p350

     En cas de maladie, le maître peut s'engager à

    « fait panser et médicaments quinze jours durant ».

       Bon, faudra pas s'imaginer être malade trop longtemps, hein

     

       

    Parfois, le preneur se charge aussi d'habiller la jeune apprentie :

    « entretenue d'habits, linge, chausses et souliers »

       

    D'autres fois, surtout en campagne, il est même prévu qu'elle pourra emporter à la fin du contrat

    « ses habits journaliers et ceux du dimanche »,

       

     voire même un trousseau neuf, dont le montant est précisé et la composition parfois soigneusement détaillée dans le contrat, le maître s'engage ainsi à la fin du contrat à

    « l'entrousseler bien et honnestement suivant sa condition »

      

        

     

     

     

    apprentie 1 p230  

     

    Si en ville le contrat est souvent de courte durée, en campagne, il était généralement beaucoup plus long, et les « devoirs » du maître plus complets,

     

     L'enfant peut ainsi être élevée par ses maîtres d'apprentissage, et certains contrats précisent que le preneur devra les traiter « comme si c'était leur propre enfant », sachant qu'en plus d'apprendre et faire de la dentelle, on pourra lui demander d'autres menus services.

     

     

       

    Ainsi en 1770, Renée Jousselin se chargera d'enseigner « le velin » (= la dentelle à l'aiguille) à deux soeurs de 10 et 11 ans

     « sans en rien cacher »

    et ce, pendant huit ans.

     

    Elle les logera, les nourrira, les enverra à la messe et au catéchisme, et même s'engage à leur apprendre à lire et à écrire

    (ce qui était loin d'être toujours le cas !).

     

     

     

     

     

     ô la belle vie ?

    logée nourrie blanchie !

       

    Pas sûr, car il y a bien entendu une contrepartie :

     

    l'enfant va apprendre la dentelle et en faire .... en faire ...

    ... en faire beaucoup !

     

    et le gain tiré de la vente de ces dentelles reviendra en intégralité au maître d'apprentissage

     

     

    apprentie 7 p450   C'est pourquoi ces contrats sont souvent établis pour plusieurs années, afin de bénéficier au maximum des progrès de la jeune apprentie :

    plus elle deviendra experte

    plus ses dentelles seront vendues chères.

      

    Regardez le nombre de fuseaux de cette jeune apprentie dentellière belge de 16 ans !

        

     

    Les contrats contiennent même des clauses de rupture,

       ainsi Renée a pris la précaution de préciser que la mère des deux fillettes devra payer 300 livres si jamais elle retirais ses enfants avant le terme du contrat.

       

     Et ne croyez pas qu'elles apprenaient la dentelle progressivement et tranquillement .

       Il ne s'agissait pas de s'exercer à coup de petits échantillons comme on le fait aujourd'hui.

     

    L'enfant devait réaliser à chaque fois des mètre et des mètres de dentelle.

      C'était le cas même pour les dentelles d'apprentissage les plus basiques, ces petits lacets de moins de 10 fuseaux qui étaient utilisés comme engrelure.

      ainsi en 1665, un contrat précise que la petite Hélaine Paulmier

    sera logée, nourrie, couchée, chauffée pendant l'année où elle apprendra la dentelle,

     

    ET ... 

     «  .... elle sera tenue de commencer à travailler à six heures de matin de chacun jour

    et quittera à huict heures du soir, hyver et esté »

     

     

    gloups ...

    ça fait quand même des bonnes journées

    et sans RTT 

     

    Alors .... partant(e)s pour signer ?

     

       

    apprentie 6 p250

     

     

    Pour écrire cet articles j'ai pioché la majorité des informations dans ces deux ouvrages :

    L'économie dentellière en région parisienne au XVIIe siècle par Béatrix de Buffévent 1984 . Un peu (beaucoup ) barbant à lire .... mais plein d'informations.

    La dentelle D'Alençon. Recueil de textes du XVII au XXeme siècle. Archives départementales de l'Orne 2001

     

    Et les images ?

    oui, là je sais, y a comme un décalage : je vous parle de contrats du XVIIe ou XVIIIe siècle, et je vous montre des photos du siècle dernier.

    Faut dire que j'ai pas trouvé une seule photo du XVIIe          vi vi .... j'vous assure, pas une seule ! 

     

    Se référer au numéro qui sont sur les photos et non à leur ordre d'apparition à l'écran

    1 - Détail d'une cate postale ancienne : jeune dentellière de Haute Loire

    2 - Détail d'une carte postale ancienne : Dentellières du Puy

    3 - Détail d'une carte postale ancienne : jeunes dentellières argentanaises

    4 - Détail d'une carte postale ancienne : Dentellières du Puy . Photo mise en scène bien sûr, ne croyez pas que les dentellières du Puy étaient si bien habillées et que leurs petites filles travaillaient avec des couronnes de fleurs dans les cheveux.

    5 - Photo extraite du catalogue d'une extraordinaire exposition présentée en 2004-2005 Musées Royaux d'Art et d'Histoire de Bruxelles,

    6 - une petite dentellière anglaise je n'ai pas retrouvé de qui est ce tableau, et où il se trouve  ??

     

     


  •  

    chicorée  

     

    Dimanche d'automne triste et pluvieux ...

     

    et si on s'offrait un petit bol de chicorée pour se réchauffer ?

     

    Vous faites la grimace ?

     

    c'est que vous n'avez pas encore vu la chicorée que j'allais vous offrir

     

     

     

     

     

     

     

     

    Tadaaaaaam

     

    La voici, la voilà 

     

      chicorée1 p248

     

     

     

    Avouez que vous tombez vous aussi sous le charme de cette chicorée

      

       

    J'ai acheté cette jolie étiquette il y a peu de temps,

    avec une vague impression de "déjà vu"

     

    heu.jpg 

     

    oui, cette dentellière, je la connais

      ce carreau ... ces fuseaux  ......

    pourquoi ai-je l'impression de voir une dentellière normande ?

       

    alors je fouille dans mes vieilles cartes,

    et voilà,

     je la retrouve ma belle dentellière normande.

     

     

       chicorée3 p300

     

     

    Regardez,

    c'est la même posture, la même position de la main,

    le même châle imprimé sur l'épaule ,

    et puis bien sûr le même carreau, les mêmes 4 paquets de fuseaux !

     

    Je ne peux m'empêcher de penser que le dessinateur avait cette carte postale sous les yeux,

     

     il a juste un peu embelli l'encolure et rajouté une coiffe en pyramide sur la tête (existe-t-il des coiffes du Nord de cette forme ?)

     

    C'est quand même un comble !

    Dans le Nord,

    une région si riche en tradition dentellière,

    aller chercher l'image d'une dentellière normande !

    faut l'faire

     

              

     

     






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